Hotel by the river (2020) Hong Sangsoo
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Hotel by the river (2020) Hong Sangsoo
Crépuscule en Corée
Entre continuité et rupture, Hotel by the river est une étape de plus dans la prolifique filmographie de Hong Sangsoo. Le réalisateur de 60 ans a débuté sa carrière au milieu des années 1990, et s’est assez vite imposé dans les festivals européens, en particulier à la section Un certain regard du Festival de Cannes, puis régulièrement en Compétition officielle. Son inspiration de la Nouvelle vague française est tellement évidente que les distributeurs de ses films en jouent, en traduisant leurs titres de façon quelque peu explicite. Ainsi La femme est l’avenir de l’homme a des échos godardiens tandis que Conte de cinéma n’est pas sans rappeler la filmographie d’Éric Rohmer. Privilégiant à ses débuts la narration libre, il s’attache dans ses films plus récents à structurer son récit, tandis que perdurent les figures de son cinéma, que sont les rapports entre les hommes et les femmes ou la place de l’artiste de la société. De même trouve-t-on régulièrement des scènes de beuverie et des dialogues à bâtons rompus, tandis que de nombreux interprètes lui sont fidèles, à l’image de Ki Joobong, qui bénéficie ici du rôle principal.
Dans une chambre d’hôtel, un auteur se met au balcon et observe la vue sur la rivière, sur la rive de laquelle une femme se tient. Il reçoit un coup de téléphone de son fils, réalisateur, qui va l’attendre avec son frère au café d’en bas. En descendant l’escalier, il croise la jeune femme de la plage, le regard perdu devant une baie vitrée. Au bar, la serveuse lui demande un autographe, bien que son patron lui a demandé de ne pas le déranger. La belle inconnue a quant à elle des nouvelles d’une de ses proches, qui vient la retrouver dans sa chambre. Elle couvre d’un bandage une brûlure qu’elle s’est faite sur le poignet. Au bar, une discussion démarre entre les deux frères à propos de la rivière Tumen, qui ressemble au paysage à côté de l’hôtel, et qui était l’objet d’une comptine enfantine chantée par leur mère. Le réalisateur se vante d’avoir un public fidèle, qui attend son prochain film avec impatience, ce qui entraîne une dispute entre eux deux.
Comme son nom l'indique, Hotel by the river porte une attention particulière à son lieu principal, et plus généralement à l'espace. Dès la première scène le personnage principal regarde au travers de sa fenêtre la plage où une jeune femme se promène. Plus tard, l'hôtel où se déroule la majeure partie du film occasionnera une série de fantaisies burlesques liées à sa topographie. Ainsi assiste-t-on à un jeu de cache-cache, plus ou moins conscientisé, entre un père et ses fils tandis que les deux groupes de personnages, masculin et féminin, se tournent autour sans jamais se croiser. Cette pointe d'humour, décalé et léger, ajoute de la délicatesse à la douceur générée par le lieu. Ainsi le calme de cette station, redoublé par la ouate hivernale et par le long cours de cette rivière, semble apaiser le poète qui y séjourne. Pourtant un sentiment d'inquiétante étrangeté se dégage de cet établissement, ironiquement baptisé Hotel Heimat, ce qui nous ramène à la fois à la mère patrie et au mal du pays. Ainsi plusieurs événements incongrus arrivent aux pensionnaires durant leur séjour.
Un microclimat semble en effet être localisé dans cet Hotel by the river, où les ellipses temporelles confirment la bizarrerie de l'endroit. À la quasi unicité du lieu, et aussi pourrait-on dire de l’intrigue, très resserrée, est adossé une unicité temporelle. A priori, l'action se déroule sur une seule journée, or à de multiples reprises la caméra se pose sur des visages endormis, qui se réveillent brusquement. Est-ce à dire que ce qui nous a été jusqu'ici montré relève de l'imaginaire, on peut légitimement se poser la question. Le malicieux Hong Sangsoo s'amuse ainsi avec son spectateur, étirant la durée et jouant sur l’irréalité et sur la fiction dans la fiction. Sans compter ces dialogues à double sens où le réalisateur, personnage de son film, double de lui-même et en même temps très différent, s'enorgueillit de sa propre notoriété, donnant l’image d’un auteur fat et orgueilleux, ou bien ces moments où son admiratrice ne sait pas dans quel genre le classer, le cataloguant entre une veine auteuriste radicale et un metteur en scène à succès, tout ceci tandis que sa meilleure amie n’a jamais entendu parler de lui.
Malgré cet humour diffus, House by the river possède un fond foncièrement mélancolique. Le thème de la mort traverse le long-métrage, au travers de la personne de cet homme vieillissant, sentant sa fin venir, et qui convoque des fils qu'il n'a pas vu depuis longtemps. On pense à des figures tutélaires de qui Hong Sangsoo se revendique, ou pas, une filiation, comme Yasujirō Ozu ou bien Ingmar Bergman. Le premier n’a eu de cesse de confronter les génération et de mettre en scène des personnages âgés en butte à la modernisation de leur environnement et de la société. La filiation envers le second se remarque plutôt au travers de certains dialogues percutants et cinglants, qui apportent un peu de cruauté de façon surprenante. La fidélité du réalisateur coréen envers ses interprètes reste un constante, puisque l’on retrouve ici non seulement Ki Joobong mais aussi sa muse Kim Minhee, dans un rôle taillé sur mesure, dont le noir et blanc très élégant et travaillé met en valeur la beauté diaphane. À la fois étonnant et familier, le film saura ainsi ravir autant les fans inconditionnels du réalisateur que d’autres spectateurs, moins assidus.