Matthias et Maxime (2019) Xavier Dolan
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Matthias et Maxime (2019) Xavier Dolan
Rien, est-ce déjà beaucoup ?
Le tournage de Ma vie avec John F. Donovan a été une épreuve pour Xavier Dolan. C'est durant le long travail de montage de cette superproduction que le réalisateur québecois choisit de tourner un film plus léger qui sera Matthias et Maxime. Une fois de plus, il ne s'éloigne pas de thèmes autobiographiques. Et alors que le timing de la post-production de son film « américain » ne le fait concourir qu'au Festival de Toronto, où il reçoit des critiques mitigées, Matthias et Maxime reçoit les faveurs des sélectionneurs du Festival de Cannes. Présenté dans une compétition officielle surclassée par le Parasite de Bong Joon Ho, le film passe quasiment inaperçu. Entre temps, Dolan semble plutôt choisir de se concentrer sur sa carrière d'acteur, puisqu'on a pu le voir dans des apparitions plus ou moins remarqué (Boy erased ou bien Ça : Chapitre 2, et qu'il devrait tenir le rôle principal de la prometteuse adaptation de la Comédie humaine par Xavier Giannoli.
Matthias et Maxime s'entraînent sur un tapis de course et discutent de leur prochaine soirée entre copains. La compagne de Matthias, Sarah, ne devrait pas être présente puisqu'elle a une soirée avec des amies. La sœur de leur amie Rivette, étudiante cinéaste, sera toutefois de la partie puisqu'elle doit y tourner un film pour son école. Ils sont accueillis par leurs amis et commencent à se chamailler gentiment. Sarah arrive en leur disant que ses acteurs lui ont fait faux bond et qu'elle cherchent deux hommes qui pourraient prendre leur place. Maxime accepte et les garçons vont se baigner dans le lac. Maxime en profite pour discuter avec Matthias de son prochain départ pour l'Australie, où il va passer les deux prochaines années. C'est sa tante Ginette qui devrait devenir durant cette période la tutrice de sa mère tandis que le jeune homme cherchera là-bas l’équivalent du travail de barman qu'il a actuellement.
En regardant Matthias et Maxime, on se retrouve devant des variations dolaniennes. La mise en scène du film est empreinte de références à l'univers du réalisateur québécois. La couleur y tient une place prépondérante, entre les filtres qui teintent le cadre et les dégradés paradoxalement chatoyants. En terme de mise en scène, toute la panoplie qui fait sa marque de fabrique est là : gros plans et plans fixes, cadres élargis et resserrés, éléments décadrés et ralentis, travellings vers l'avant. Les personnalités récurrentes dans l'univers de Xavier Dolan sont tout aussi surabondantes : les mères sont toutes dysfonctionnelles tandis que les pères sont majoritairement absents, l'hystérie est un trait commun à de nombreux personnages et les acteurs, dont lui en premier, surjouent pour accentuer les émotions. Quant à la musique, on peut compter sur un mélange de classique et de contemporain, cela va de Serge Reggiani à Limp Bizkit en passant par Wolfgang Amadeus Mozart.
Qui dit film de Xavier Dolan dit thématiques LGBTQI, et en cela Matthias et Maxime ne déroge pas à la règle. D'ailleurs dans cet élégant patchwork qu'est la musique du film, on trouve également plusieurs tubes explicitement référencés : on y écoute du Pet shop boys, mais aussi du Britney Spears et, plus étonnement mais pas tant que ça finalement, la chanson d'Amir qui a représenté la France au concours de l'Eurovision. Plastiquement, on peut voir des jeunes et jolis garçons, avec en tête de cortège Gabriel D'Almeida Freitas ou bien Harris Dickinson, autour desquels l'intrigue va graviter. Car c'est bien le sujet principal du film, comment un baiser de cinéma entre deux hommes va bousculer les certitudes de ces hétérosexuels. S'ils s'étaient déjà embrassés « pour le fun » quand ils étaient adolescents, le premier s'en souvient très (trop ?) bien tandis que le second a complètement refoulé ce souvenir. Les sentiments éclosent alors malgré eux.
Autant dire que l'intrigue de Matthias et Maxime est fine, et on se demande au bout du compte où veut en venir Xavier Dolan. Car s'il n'a pas toujours eu un propos fort comme dans Laurence anyways, d'autres aspects compensaient l'absence d'enjeu narratif. On pense par exemple aux Amours imaginaires et son formalisme proche de l'obsession, qui collait parfaitement à ce portrait de jeunes affectivement tourmentés. Ici rien de tel : si l'esthétique du réalisateur est présente, elle n'est pas poussée assez loin pour étayer le propos. Celui-ci est d'ailleurs bizarrement décalé : ce groupe de jeunes gens pas si vieux semblent presque rétrogrades dans leur façon d'envisager leur sexualité. On voit bien que Dolan veut, avec le personnage de la sœur, plus jeune et plus libre avec ces sujets, nous signifier qu'il a mûri et qu'une nouvelle génération se profile. Mais au final on ne peut tout de même s'empêcher de penser que l'immaturité de celle-ci reflète paradoxalement celle du réalisateur.