Nowhere (1997) Gregg Araki
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Nowhere (1997) Gregg Araki
Oh, my, god(e), they killed Kenny
Certaines et certains d'entre nous se souviennent des années 1990, de ses feuilletons pour adolescents où tout le monde il est beau, tout le monde il est riche et tout le monde il est gentil. Ah, Beverly Hills, 90210, produit par Aaron Spelling, à qui l'on doit également Melrose Place, mais aussi également de nombreuses séries plus anciennes comme Dynastie. On en conviendra, que de grands moments de télévision. En voyant Nowhere, c’est là qu’on se rend compte à quel point cette décennie a pu produire de sous-produits standardisés pour pré-pubères paumés. Non pas que le film ressemble à ce genre de niaiserie, au contraire il s’emploie à caricaturer toutes ces séries en reprenant leurs codes pour mieux les dézinguer. Ce qui est en soi tout un programme, sur le papier très alléchant.
Dès la première scène le ton est donné : Dark Smith, 18 ans, se masturbe sous sa douche en pensant à ses amis Mel et Montgomery, quand sa mère l‘interrompt brusquement. Il retourne dans sa chambre, repère de vidéaste amateur, et regarde sur l’écran Mel qu’il a filmée en train de se déshabiller. La voilà qui rapplique justement, ils passent un tendre moment tous les deux jusqu’à ce qu’elle ne parte retrouver sa copine Lucifer. Ils se retrouvent un peu plus tard et prennent en voiture Montgomery qui trainait par là, le convainquent de sécher les cours pour rester avec eux. Mais Dark n'est pas très content car Mel n'est pas vraiment fidèle, elle le trompe avec Lucifer, tout en fantsmant sur Montgomery, mais aussi sur le couple formé par leurs amies Kriss et Kozy.
L‘univers pré-apocalyptique qu'affectionne tout particulièrement Gregg Araki envahit l‘espace de Nowhere à chaque instant. Le film débute par la voix du personnage principal nous expliquant que Los Angeles est un cul-de-sac où tout le monde est perdu. Et durant plus d’une heure le réalisateur va nous en faire la démonstration, montrant la cité des anges comme un dépotoir géant, où la luxure et tous les vices coexistent au vu et au su de chacun. Personne n’y fait rien, les étudiants ont des cours aux noms bizarres auxquels ils n'assistent pas, les acteurs sont des pervers polymorphes, les parents sont shootés à la télé et les enfants sont shootés à toutes autres drogues. Les correspondances entre le film et Moins que zéro, de Brett Easton Ellis, semblent tellement flagrantes qu'une des couverture du livre prendra pour image l'une du film.
On dirait que chacun attend le salut, et qui le voit dans l’amour parfait, qui n’existe bien évidemment pas, qui la voit dans la figure d'un prédicateur halluciné soutirant du fric. Chronique d‘un monde désabusé, Nowhere, qui n'est pas pour rien le dernier volet de la trilogie « Teenage Apocalypse » de son réalisateur, enterre donc le schéma parfait qui n’existe que dans les séries télévisées bon marché. Et pour ce faire, Gregg Araki utilise pas mal de leurs codes pour les détourner. Ainsi l'on y croise des acteurs beaux qu’on croirait sortis de magazines, une ambiance pop traverse le film, qui contient des dialogues frisant parfois le ridicule. Or tout ceci est bien entendu à prendre au second degré. Et le réalisateur de piocher dans le vivier de cette jeune génération d'actrices et d'acteurs qui font leurs premiers pas sur l'écran cathodique.
On croise donc, dans Nowhere, furtivement Shannen Doherty et Rose McGowan (qui, ironie du sort, ou clin d'œil malicieux de certain producteur, partageront plus tard l’affiche de Charmed). On peut également y voir Christina Applegate, rescapée du cultissime Mariés, deux enfants, mais aussi, et c'est plus surprenant, Chiara Mastroianni. Le long-métrage bénéficie cela dit d'une distribution prestigieuse, qui inclut non moins que Ryan Phillippe, Heather Graham, Mena Suvari, Beverly D'Angelo, Denise Richards ou bien même furtivement Traci Lords. On y voit surtout James Duval, l’acteur fétiche d’Araki, qui le met en valeur dans pratiquement toutes les scènes. Notons en sus une bande originale chic, où Radiohead côtoie The Chemical Brothers, Massive Attack, Marilyn Manson ou Suede : les années 1990, encore et toujours.