Le cuirassé Potemkine (1925) Sergeï M. Eisenstein
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Le cuirassé Potemkine (1925) Sergeï M. Eisenstein
Debout les damnés de la terre
À la base du Cuirassé Potemkine, le Comité pour la Commémoration de la Révolution de 1905 avait confié à Sergeï M. Eisenstein le tournage d’un film pour le vingtième anniversaire des événements d’Odessa. Le réalisateur avait alors prévu avec la scénariste Nina Agadzhanova huit épisodes dont la mutinerie du Potemkine ne serait qu’une partie. Les conditions climatiques vont finalement obliger Eisenstein à se concentrer sur le seul épisode du Potemkine. Une reconstitution minutieuse s’opère alors, agrémentée de séquences qui n’ont jamais eu lieu et ne figuraient pas dans le scénario, comme la descente des escaliers, rendue célèbre par les clins d’œil émaillés dans de nombreux films (Les incorruptibles, Brazil…)
Il dégage une force incroyable du Cuirassé Potemkine, réalisé par un tout jeune homme (Sergeï M. Eisenstein avait 27 ans et un seul film à son actif). Dès le début on est scandalisés par la vision en gros plan de ces vers de terre grouillant dans la viande qui s’apprête à être servie aux marins. Un montage très habile nous montre ensuite comment un événement somme toute mineur va amener ces hommes à se révolter contre leurs oppresseurs et entraîner la population de leur côté.
Un véritable souffle épique traverse le film accompagné d’images choc comme cet enfant touché par une balle sous les yeux effarés de sa mère et piétiné par la foule apeurée. Ce qui frappe aussi dans Le cuirassé Potemkine c’est le caractère anonyme des protagonistes : on s’intéresse ici à une révolte collective, pas à des actes isolés. L’important est de montrer comment les opprimés peuvent s’unir pour combattre les tyrans ; c’est un film hautement politique qu’on pourrait presque prendre pour un documentaire tellement les images sont suggestives.
Le seul personnage du Cuirassé Potemkine qui est mis en avant est Vakulinchuk, alias Alexandre Antonov, victime symbolique puisque c’était un des artisans de la mutinerie. La séquence où des hordes d’anonymes viennent se recueillir sur sa dépouille est particulièrement fascinante. Rarement on aura vu un film muet avec une telle puissance et un tel potentiel émotionnel. On ne le célèbre d’ailleurs pas pour rien encore aujourd’hui comme l’un des piliers de l’histoire du cinéma.