Vampyr (1932) Carl Th. Dreyer
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Vampyr (1932) Carl Th. Dreyer
Parce qu’il n’y a pas que Browning et Murnau dans la vie
Lorsqu’on évoque la genèse du cinéma de vampires, on a coutume de parler des remarquables Nosferatu de Friedrich W. Murnau ou Dracula de Tod Browning. Moins de Carl Theodor Dreyer, qui signe pourtant en 1932 ce bien beau Vampyr. Alors certes, on n’attend pas forcément à première vue le réalisateur danois, fervent chrétien, dans ce registre. Sortant de son fameux Jeanne d’Arc il choisit pourtant de réaliser pour son premier film parlant cette adaptation de l’auteur irlandais Joseph Sheridan Le Fanu, auteur fantastique du XIXe siècle. Un échec qui lui vaudra, soit dit en passant, une période de vache maigre jusqu’à Jour de colère.
David Grey est un jeune homme plein d’imagination, qui nourrit une fascination pour les mythes ancestraux. Son séjour dans la petite bourgade de Courtempierre sera d’ailleurs riche de mésaventures. Eveillé par d’étranges bruits par une sombre nuit, il échoue dans un château étrange habité par un vieil homme et ses deux filles. À la mort du vieillard, David se met à lire un livre qu’il a écrit racontant l’histoire des vampires et la façon de s’en débarrasser. L’étrange maladie d’une des fille du châtelain confirmera l’impression bizarre que ressentait le jeune homme ; il se décide alors à porter plus loin ses recherches.
Le film de Carl Th. Dreyer porte en lui une ambiance expressionniste parfaitement maîtrisée, et qui soutient de très belle façon son propos. Le jeu sur les ombres et lumières est en effet d’une qualité toute remarquable dans Vampyr, on se croit tout du long comme rescapé d’un rêve éveillé, ou devrait-on dire d’un cauchemar prenant. La scène où sont évoquées les hallucinations du personnage principal est d’ailleurs absolument fabuleuse. La mise en scène, avec en particulier ce jeu de perspective en contre-plongée focalisée sur le point de vue du narrateur est assez novatrice pour l’époque.
Le thème de la religion si cher à Carl Th. Dreyer est évidemment présent en filigrane, avec les notions de réincarnation et de rédemption, mais n’accapare pas le film, loin de là. La trame principale de Vampyr respecte scrupuleusement les codes du genre, avec son lot de pieux et autres succion dans le cou. L’impression générale dégagée par le film reste la terreur, mais ça reste une impression diffuse, Dreyer n’insistant pas trop lourdement sur le côté horrifique du sujet. Certaines scènes restent néanmoins ancrées dans la mémoire, tel celle se déroulant dans le cimetière ou la scène scellant le destin du personnage du médecin.
La photographie de Rudolph Maté, qui des années plus tard sera le chef opérateur de Gilda ou de La dame de Shangaï, est une fois de plus époustouflante, jouant parfaitement avec le noir et blanc impeccable. La musique de Wolfgang Zeller ajoute quant à elle de façon éclatante à l’étrangeté du film . À y regarder de plus près, ce Vampyr est donc une petite perle qui mérite bien ses lettres de noblesses aux côtés de celles des pères fondateurs du genre fantastique au cinéma.