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Un printemps à Hong Kong (2021) Ray Yeung

Un printemps à Hong Kong (2021) Ray Yeung

Published Jun 12, 2021 Updated Jun 12, 2021 Culture
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Un printemps à Hong Kong (2021) Ray Yeung

Cheveux gris et amours clandestines 

Le réalisateur d’Un printemps à Honk Kong a déjà réalisé deux autres long-métrages, qui ont aussi pour personnages principaux des homosexuels. Cut Sleeve Boys, coproduit avec la Grande-Bretagne, n’est sorti en France qu’en DVD. Quant à Front Cover, qui se déroule aux États-Unis, il n’a semble-t-il pas bénéficié de sortie en France. Pour son troisième long-métrage, Ray Yeung a choisi de situer son récit dans son Hong-Kong natal, où il met en scène deux grands-pères qui tombent amoureux. L’idée de son scénario lui est venue d’un reportage où une dizaine de seniors homosexuels, qui en grande partie n’avaient pas fait leur coming-out, racontaient leur parcours de vie. Avec beaucoup de mal, il parvient à convaincre deux acteurs à interpréter les personnages principaux : Tai Bo, qui a joué dans de nombreuses séries, et Ben Yuen, dont la carrière contient une apparition sans 2046, de Wong Kar-Wai. Sélectionné à la Berlinale en 2020, le film a reçu plusieurs prix dans son pays d’origine.

Chauffeur de taxi, Pak, vit avec son épouse Ching et s’occupe souvent de sa petite-fille. Sa fille leur annonce qu’elle va bientôt épouser un homme plus jeune qu’elle, et Ching tente de convaincre Pak de l’en dissuader. Elle considère que cette union est vouée à l’échec, mais il lui répond que tant qu’ils s’aiment ce n’est pas leur rôle de s’interférer dans leur relation. Dans la journée, Pak traîne souvent dans les toilettes publiques, où il drague d’autres hommes, de façon plus ou moins ostensible. Il rencontre un jour Hoi dans un parc, et ils sympathisent rapidement. Lui est divorcé, et vit avec son fils, sa belle-fille et leur fille, mais ne s’est jamais remarié. Retraité, il s’est engagé dans des associations caritatives et fréquente régulièrement un centre pour seniors homosexuels. L’une de leurs réunions tourne autour d’une proposition qu’un des membres souhaite faire parvenir au gouvernement, pour créer une maison de retraite LGBT, où ils pourraient être libres de vivre ouvertement leur orientation sexuelle.

Nous n’avons aucun mal à croire en l’histoire d’amour qui nous est racontée dans Un printemps à Hong-Kong. Le coup de foudre réciproque entre Pak et Hoi, qui commence par une attirance physique et se transforme rapidement en amour partagé, nous est mis en image de façon élégante. Leurs ébats ne nous sont pas occultés mais sont présentés avec une grande sensualité, sans aucun tabou mais pourtant avec beaucoup de pudeur. Le fait mérite d’être souligné, tant la représentation des corps des personnes âgées au cinéma n’est pas si fréquente. Les scènes qui se déroulent dans le sauna, où se côtoient des homosexuels aux aspirations et aux conditions de vie diverses, sont tournées de manière délicate et sans volonté de provocation. Cette façon douce d’envisager les personnages et leurs actions insuffle le long-métrage, qui, bien qu’il montre des situations parfois douloureuses, les aborde avec une certaine forme de bonhomie.

La finesse du traitement transparaît aussi dans la façon dont les personnages principaux d’Un printemps à Hong-Kong interagissent avec leur entourage. Après plus de vingt ans de mariage, Pak n’envisage pas d’autre vie que celle avec son épouse. De simples regards suffisent à faire comprendre à celle-ci que la relation qu’entretien son mari avec cet ami dont il n’avait jusqu’alors jamais parlé est plus profonde qu’elle n’en a l’air. Cependant, ils n’évoquent jamais cette situation, et la caméra de Ray Yeung ne juge pas cet état de fait. De même, le fils de Hoi comprend rapidement les tourments de son père mais ne l’évoque jamais, mis à part lors d’une scène furtive où il lui demande de baisser le son d’une vidéo évoquant la situation des homosexuels du troisième âge. La raison qu’il évoque, ne pas réveiller sa fille, est symptomatique d’une société où la famille prime sur l’individu. Autant Pak que Hoi ne remettent pas en cause la norme où vivre caché devient une habitude pour les personnes LGBT.

Ainsi Un printemps à Hong-Kong nous présente-t-il une société qui change doucement, mais où de nombreux obstacle résident pour les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Si le récit se concentre sur un des aspects de cette communauté diverse, il nous montre combien la jeune génération est, de façon logique, moteur dans cette évolution. Dans une région où l’homosexualité n’est pas criminalisée, le conservatisme règne et les droits LGBT n’avancent que très lentement. Le fait que le casting du film ait été si difficile en est un signe, et l’on peut espérer que la présence de deux acteurs célèbres dans leur pays soit un signe de progrès. Leur palette de jeu est d’ailleurs assez large, et ils parviennent sans mal à nous transmettre les émotions qui les étreint, tant quand ils sont dans des scènes intimes que dans leur cadre familial. Le long-métrage nous présente du reste aussi des personnages féminins qui s’émancipent doucement, à l’image d’un film marqué par la finesse.

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