Un jour de pluie à New-York (2019) Woody Allen
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Un jour de pluie à New-York (2019) Woody Allen
Same old, same old
À sa sortie, Un jour de pluie à New-York est apparu sur quelques écrans européens mais pas aux États-Unis. En 2017, alors que le tournage du film se préparait, était rendue publique l’Affaire Weinstein. À la fin de cette même année sortait Wonder wheel, et Woody Allen était amené à se prononcer à propos de l’ancien directeur de Miramax, qu’il soutenait. Parallèlement, sa fille adoptive Dylan Farrow poursuivait les accusations d’agression sexuelle qu’elle formule depuis vingt ans à son encontre. Amazon Studios, qui finançaient le prochain film du réalisateur, tout comme ils avaient produit ses deux précédents films, décidèrent de ne pas le distribuer, tandis que des acteurs et actrices se prononcent publiquement contre Allen. Timothée Chalamet, Selena Gomez ainsi que plusieurs autres actrices et acteurs du film, annonçaient qu’ils verseraient leur cachet à des associations qui soutiennent le mouvement « me too ».
Le jeune Gatsby Welles est passé d’école privée en école privée, ne sachant pas trop quoi faire à part vivre une vie de bohème. Sur les conseils de son père, il sort avec Ashleigh avec qui il s’entend assez bien. Celle-ci, qui écrit dans la gazette de leur université, a décroché un entretien à New-York avec le célèbre réalisateur Roland Pollard. Gatsby s’en réjouit, ils prévoyaient tous les deux de passer un week-end en amoureux à Manhattan. Il est impatient de faire découvrir à sa dulcinée ses endroits préférés de la Grande Pomme, que ce soit le piano bar d’un palace ou le Museum of Modern Art. Comme il a récemment gagné beaucoup d’argent au poker, il prévoie même de l’emmener dîner dans un restaurant chic, et de ne surtout pas prévenir sa mère de leur présence, sinon elle les accaparerait avec des mondanités. Or, dès le début de son entretien avec le réalisateur qu’elle admire, Pollard annonce à Ashleigh qu’il fait face à une crise existentielle.
En regardant Un jour de pluie à New-York, on a l’impression étrange de se retrouver quasiment quarante ans en arrière. On pense énormément à Manhattan devant le film, mais en version moderne, et moins réussi. On est ainsi passé du noir et blanc à la couleur, et la photographie de Vittorio Storaro, qui à l’époque exerçait ses talents sur Apocalypse now, n’a rien à envier à celles de Gordon Willis. Le personnage principal n’est plus interprété par Woody Allen mais est toujours aussi falot. L’amour de la ville qui ne dort jamais est toujours là, même si plusieurs indices nous font comprendre que les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Ainsi par exemple, et comme nous le signale une des répliques du film, les artistes changent de quartier au fur et à mesure que montent les prix de l’immobilier. D’ailleurs les punchlines sont toujours présentes, certes en moins efficaces, à l’image d’un Woody qui semble n’être plus que l’ombre de lui-même.
Ainsi Un jour de pluie à New-York semble-t-il dévitalisé, même s’il possède d’indéniables qualités artistiques. La tentative que Woody Allen esquisse, comme à son habitude, en renouvelant son casting, n’est pas complètement réussie. Il mise sur la prime jeunesse pour choisir ses actrices et ses acteurs principaux, ce qui est un risque à saluer, à moins qu’il ne fasse par ce geste que de surfer sur une vague de jeunisme. En tout cas, il est difficile de démêler le talent réel des interprètes avec les rôles aussi caricaturalement exaspérants qu’elles et ils incarnent. En particulier, la prestation d’Elle Fanning est franchement horripilante, à moins que ce ne soit son personnage en lui-même, incarnation de la nunuche, ridicule comme on en a rarement vu. De son côté Timothée Chalamet, bien qu’il soit mignon comme à son accoutumée, surjoue avec un peu trop de prétention l’éternel double du réalisateur, héritant au passage d'un patronyme hautement prétentieux, celui de Gatsby Welles.
La seule jeune actrice qui se démarque dans Un jour de pluie à New-York est étonnamment Selena Gomez, qu'on n'attendait pas et qui assume le côté naturel qui ne s’en laisse pas compter, surprenant par sa fraîcheur et sa spontanéité. Le reste du casting est assez épatant, mais on ne les voit pas assez. Par exemple l’excellente Cherry Jones, recyclée depuis peu dans des séries à succès comme La Servante écarlate ou bien Succession, livre ici une prestation magnifique. En une seule scène, elle parvient à apporter de l’émotion et de la substance à un film qui baigne dans l’artificialité. On retrouve aussi quelques apparitions du passé comme Liev Schreiber ou Jude Law, assez méconnaissables tous les deux. Comme si Woody Allen voulait nous faire comprendre que le temps a mal passé, et que la période glorieuse d’un Celebrity est désormais derrière nous. Mais à force de ressasser les mêmes intrigues dans les mêmes lieux, même en les mettant aux goûts du jour, le réalisateur risque de nous lasser.