Suspiria (1977) Dario Argento
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Suspiria (1977) Dario Argento
Frissons garantis pour spectateurs avertis
Pour Suspiria, son septième film, Dario Argento abandonna temporairement son giallo de prédilection et changa légèrement de genre en réalisant un film qui deviendra culte pour les amateurs de films d’horreur ou d’épouvante. Inspiré par un auteur anglo-saxon du dix-neuvième siècle (Thomas De Quincey, non crédité au générique), il écriivit avec sa femme Daria Nicolodi la trame du premier opus d’une trilogie baptisée Les trois mères, ou bien La trilogie des enfers, qu’il poursuivra en 1979 avec Inferno et enfin avec La troisième mère, sorti en vidéo en France en 2008. Selon l'auteur, l'histoire du film lui serait en partie venue d'un propre pensionnat qu'il a fréquenté dans sa jeunesse, ce qui en soit est assez révélateur. La musique du film est une fois de plus composée par le groupe Goblin, que l'on peut qualifier d'indissociable avec l'auteur italien.
Une jeune et innocente américaine, Suzy Banner, débarque à Fribourg pour intégrer une fameuse école de danse. Dès le début du long métrage, l’ambiance est installée : arrivée seule tard le soir dans un aéroport inconnu, notre héroïne appelle un taxi sous une trombe d’eau, et déjà le chauffeur de taxi n’est ni ravi de la conduire ni très causant. Sur le seuil de l’école de danse, elle voit s’enfuir en courant une pensionnaire à l’air effrayé, puis se fait rembarrer par son interlocutrice à l'interphone, qui l'oblige à passer la nuit à l'hôtel. On apprend le lendemain que deux pensionnaires ont été tuées d'une manière sauvage, à grands coups de couteaux et autre verre brisé. Quand elle discute avec sa compagne de chambrée, Suzy apprend que l'école est en proie à de nombreuses rumeurs impliquant des phénomènes étranges.
Vous êtes bien chez Dario Argento, bonsoir : c'est ce que cet excellent démarrage semble nous indiquer. Mais autant le dire tout de suite : Suspiria n’est pas un film gore et sanguinolent à l’esthétique cheap. Au contraire, c’est plus un film d’ambiance où le travail sur l’image et l'esthétique baroque de Luciano Tovoli est extrêmement raffiné. Les couleurs criardes qui rappellent le Technicolor des années 1940 symbolisent la mort (rouge sang) ou le domaine du rêve (bleu). La caméra aiguisée scrute les moindres faits et gestes des jeune vierges effarouchées et la mise en scène, qui n'est pas sans rappeler le courant expressionniste, est impeccable. Du côté des références revendiquées, on peut également citer les illusions d'optique chères à Maurits Cornelis Escher. Donc si le couloir de Shining vous a fait frémir, attendez de voir celui de Suspiria.
Un casting élaboré émaille Suspiria, en tête duquel figure Jessica Harper qui sort du Phantom of the paradise de Brian De Palma et livre une belle prestation tandis que Stefania Casini, aperçue dans Du sang pour Dracula de Paul Morrissey, complète la distribution des jeunes filles. On revoie avec un plaisir non dissimulé Joan Bennet pour son dernier rôle, vingt ans après son précédent film, mais aussi la magnifique Alida Valli, qui décidément tourna avec les plus grands réalisateurs transalpins. Ajoutons à cela la présence de Miguel Bosé, alors au début de sa carrière, et du toujours aussi effrayant Udo Kier, tout ceci ne peut que participer à la réputation d'un film culte. Loin de paraître disparate, cet enchaînement de talent est d'ailleurs tenu d'une main de fer par un savant travail sur la direction d'actrices et d'acteurs.
Cette œuvre magistrale saura ainsi ravir les amateurs de frissons et installera définitivement Dario Argento au panthéon des réalisateurs de film dits « underground » et totalement jouissifs. Pour qui aime les contes de fées, et surtout les histoires de sorcières, la vision de Suspiria ne peut qu'être juissive. On se retrouve entre la mythologie grecque, version Parques, et L'exorciste, tout en réussissant à réconcilier Walt Disney et Mario Bava. Ésotérique et sulfureux, le film aux accents de magie noire émaillera de frissons les soirées de nombreux adolescentes et adolescents. Pour la petit histoire, il fera d'ailleurs l'objet d'un remake, mis en scène par Luca Guadagnino, et avec Chloë Grace Moretz ainsi que Tilda Swinton, qui, quarante ans après l'original, déchaîna tout autant les critiques.