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Elle (2016) Paul Verhoeven

Elle (2016) Paul Verhoeven

Published Jun 6, 2020 Updated Jun 6, 2020 Culture
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Elle (2016) Paul Verhoeven

Au diable le paradis

Lorsque Elle arrive sur les écrans, Paul Verhoeven n'a pas sorti de long-métrage depuis dix ans. Son film précédent, Black Book, marquait alors son retour dans son pays natal, les Pays-Bas, puis il s'était lancé dans plusieurs projets. Lorsqu'on lui présente le roman de Philippe Djian, Oh..., il l'apprécie énormément et décide de l'adapter. Au début, il souhaiter le filmer aux États-Unis, avec Nicole Kidman dans le rôle principal, et se confronte une fois de plus à la censure américaine, qui le pousse à retourner en Europe. Il choisit alors la France, et Isabelle Huppert s'empare de ce personnage complexe. Le film est présenté au festival de Cannes, ce qui est l'occasion pour Verhoeven d'y faire son grand retour, plus de vingt ans près son dernier passage, qui avait marqué les esprits avec Basic instinct et la révélation de Sharon Stone. Il en sort bredouille mais Huppert sera par la suite nommée aux Oscars, et elle recevra le César de la meilleure actrice tandis que durant la même cérémonie le long-métrage décrochera le prix du Meilleur film.

Sous le regard de son chat, Michèle se fait violer. Son agresseur parti, elle reprend ses esprits, rajuste son corsage, ramasse les éclats de vaisselle tombés par terre et prend un bain. Puis elle commande des sushis pour le dîner qu'elle a prévu avec son fils Vincent, qui lui apprend qu'il a commencé son travail dans un fast-food. Sa compagne attend un enfant et ils s’apprêtent à déménager ; d'ailleurs Vincent souhaiterait que Michèle se porte caution, et elle lui propose de leur avancer de l'argent, tout en critiquant ouvertement la future mère de son petit-fils. Lorsqu'elle se retrouve seule, elle fouille dans les tiroirs pour y trouver un marteau et surveille l'extérieur de sa maison avant de se coucher. Le lendemain matin, elle arrive dans l'entreprise d'édition de jeux vidéos qu'elle dirige avec sa meilleure amie Anna, et fait changer toutes les serrures de sa résidence.

Un sentiment de malaise diffus se dégage du visionnage d'Elle. Comme souvent dans les films de Paul Verhoeven, le spectateur quitte sa zone de confort dès les premières images, qui nous annoncent la couleur. Pour son premier film en France, le réalisateur choisit de dynamiter les codes, ce qui fait que l'on est sans arrêt surpris, donc toujours aux aguets. Les comportements de ses personnages, et surtout de son rôle titre, ne sont pas prévisibles, et  Verhoeven ne donne aucun indice pour justifier leurs actes. Le résultats est un objet cinématographique peu banal, porté par un rôle cousu sur-mesure pour Isabelle Huppert. L'actrice était déjà la personne à qui pensait Philippe Djian lorsqu'il a écrit son roman, dont le scénario du film est très fidèle. On a du mal à imaginer une autre actrice pour relever le défi et donner corps à cette femme manipulatrice, violentée mais qui ne se définit jamais comme victime.

L'inconfort que l'on ressent devant Elle est bien entendu lié au propos principal, tourné autour du viol et de la réaction de la victime de cette agression. À cet égard le film fait sans nul doute réfléchir, et le fait que Paul Verhoeven choisisse de ne pas de donner de clé d'interprétation est un atout indéniable de l’œuvre. Il peut cela dit se révéler contre-productif, compte tenu de son sujet, et ouvre un débat qui ne manque pas d'intérêt. Le cœur de la polémique que l'on peut identifier tient sur cette simple question de la position de l'artiste, et de l'homme, qui tente de se mettre dans la peau d'une femme ayant subi une agression. Le fait qu'à la fois l'auteur du roman et le réalisateur du film soient des hommes n'est pas anodin et leur propos n'est d'ailleurs pas dans le fond équivoque. Tous les personnages masculins du film adoptent en effet des comportements douteux, du violeur au lâche en passant par l'arriviste.

Mais si l'on y pense, les personnages féminins dépeints dans Elle ne sont pas mieux lotis, entre la bigote qui sait tout mais ne dit rien et la jeune femme avide qui rabaisse son compagnon. Le film s'en trouve ainsi au final plus misanthrope que misogyne dans son traitement de la société humaine. C'est un des reproches que l'on peut faire à ce long-métrage où chaque personnage est grossièrement traité. Le scénario ne fait pas plus dans la dentelle, ce qui est une constante chez Paul  Verhoeven. La barque est pleine à ras-bord, de la femme qui couche avec le mari de sa meilleure amie à sa mère qui refuse de vieillir et sort avec un escort vénal, de la catholique invitée à une veillée de Noël qui exige à regarder la messe au vieux beau qui après son divorce ne sort plus qu'avec des jeunes. On en passe et des meilleurs, l'analyse psychologique restant un peu au ras des pâquerettes. Féministe ou macho, la question se pose pour un film qui frise parfois un peu trop la caricature.

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