Les témoins (2006) André Téchiné
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Les témoins (2006) André Téchiné
La génération désenchantée
C’est peut-être le film le plus personnel d'André Téchiné. À l’époque où se déroule Les témoins, le cinéaste aborde la quarantaine, a terminé Hôtel des Amériques et sort Rendez-vous. C’est quelques années avant J’embrasse pas, déjà le récit initiatique d’un jeune provincial, homosexuel de surcroît, à Paris (et déjà avec Emmanuelle Béart), et encore plus avant ce que l'on peut considérer comme son film le plus abouti, Ma saison préférée. C’est à cette époque aussi qu’il voit disparaître autour de lui des personnes chères à cause d’une maladie qui fait son apparition. Et si le Sida apparaît dans Les témoins, ce n'est qu'à la moitié du film, là n'est pas un grand secret dévoilé.
Manu est un jeune homosexuel plein de fougue, qui vient d'Ariège pour travailler à Paris. Il séjourne dans un petit établissement avec sa sœur Julie, qui ambitionne de devenir cantatrice. Manu papillonne entre Adrien, son mentor, un médecin qui l’aime platoniquement, et Mehdi, flic marié qui refoule son homosexualité. L'épouse de Mehdi, Sarah, est une femme libérée qi vient d'avoir son premier enfant mais n'a pas un instinct maternel très développé. Ils partent tous en vacances à Marseille et un jeu de séduction se déploie entre chacun d'entre eux. Bientôt la maladie s’empare de Manu, tout s’accélère et chacun va devoir se révéler face à ce morbide problème.
Si l'on ne se fie qu'à ces thèmes pas très hereux, cela ne donne pas vraiment envie de voir Les témoins. Et pourtant la première partie du film est furieusement lumineuse. Justement pour contrecarrer la pesanteur inévitable de la suite de son long-métrage, André Téchiné ancre admirablement ses personnages dans cette insouciance un peu inconsciente de ce début d’années quatre-vingts. L’esthétique du film est d’ailleurs très eighties, du grain à l’image aux couleurs tout y passe, et ça rend bien.La partition musicale est tout aussi remarquable, alternant habilement les airs classiques à des chansons iconiques de cette époque. La douceur et la légèreté dominent, pour mieux nous préparer à la suite.
Après, l’annonce de la maladie et les événements qui vont suivre souffrent quelque peu de maladresse. C’est comme si le réalisateur était un peu phagocyté par son sujet, et il y a de quoi. Mais Les témoins reste tout de même un film essentiel qui aborde la mort d’une façon symbolique et assez élégante. Tous les personnages témoignent en effet sans lourdeur de la lutte éternelle entre Eros et Thanatos. Manu (Johan Libéreau, charmant jeune homme qu'on a vu dans Douches froides) illustre bien sûr le plus radicalement cette dualité, mais aussi sa sœur Julie (sans doute le personnage le plus intéressant des Témoins) qui dit elle même ne pas être capable d’être dans la vie et transcende ses émotions à travers l’opéra.
Adrien, qant à lui, sublime tellement son amour pour Manu qu’il vit quasiment par procuration, à travers lui, tandis que Sarah croque la vie à pleine dents pour mieux refouler une douleur de vivre sans doute plus profonde. Malgré des personnages complexes et pas aimables pour un sou, leurs traits de caractère sont quand même très marqués, trop peut-être, tout comme les situations. Ainsi la scène du baiser vient un peu comme un cheveu sur la soupe tandis que la danse de la prostituée sur Marcia Baïla est une ficelle peut-être un peu trop grosse. Les témoins s’empêtre donc un peu trop dans le convenu dans une seconde partie qui laissait pourtant présager de bien belles choses après le visionnage de la première.