L’épouvantail (1973) Jerry Schatzberg
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L’épouvantail (1973) Jerry Schatzberg
On the road again (again…)
Récipiendaire du Grand prix au Festival de Cannes en 1973, L‘épouvantail est le film pour lequel le nom de Jerry Schatzberg est connu aujourd’hui. Si certains cinéphiles ont tellement d’admiration envers le cinéaste c’est pour son regard désenchanté sur une Amérique jusqu’alors mythifiée. C’est que cet ancien photographe de mode arrive à une époque où le cinéma américain est en plein renouveau. Ses deux premiers films imposent déjà une patte bien à lui : en particulier, Panique à Needle Park dénote par son ton désabusé sur l’univers new-yorkais des petits trafiquants de drogue. Il y impose un petit nouveau, un certain Al Pacino qu’il reprend dans L’épouvantail, film qui va définitivement faire de lui un acteur sur qui compter.
Sur une route en plein milieu des États-Unis, Max fait de l‘auto-stop pour rejoindre Pittsburgh. De l’autre côté de la route se trouve Francis qui va à Detroit retrouver sa femme et son fils. Ces deux fauchés font connaissance et partagent un brin de chemin ensemble. Lors d’une halte, Max propose à Francis de devenir son associé : il veut monter un petit business de station-service. Depuis six ans, Max était en taule pour braquage à mains armées tandis que Francis a été durant cinq ans dans la Marine. Francis accepte, à condition de faire un petit saut par Detroit, tandis que Max tient à passer voir sa sœur Coley qui habite Denver.
Il ne faut pas plus de cinq minutes à L‘épouvantail pour qu‘il vous fasse croire à ses personnages. Quelques pitreries, une caméra au plus près des visages dans ces étendues désertiques et nous voilà embarqués dans ce road movie atypique. On est tout de suite attaché à ces deux âmes sœurs esseulés, en marge de la société, en on a envie de croire en leur rêve américain. C’est là tout le talent de Jerry Schatzberg que de nous décortiquer ce bon vieil American Dream pour finalement le dézinguer. Et tout ça avec un amour des personnages, une empathie qui fait d’eux, et malgré eux, les emblèmes d’une humanité déchue.
Deux losers bien sympathiques que la société à laissé de côté et qui ne demandent qu’à se racheter, ou tout du moins à vivre leur petit rêve à eux, tranquilles. S‘il on croit tout de suite aux deux paumé magnifiques de cet Épouvantail, c‘est avant tout grâce aux acteurs. On assiste durant tout le film à une performance exceptionnelle d’Al Pacino, et l’on ne peut pas s’étonner, après avoir vu le film, de la carrière qu’a pu avoir l’acteur depuis. Il transcende totalement son personnage de fou du roi, fragile comme un oiseau sur la branche, drôle comme pas deux et si émouvant parfois.
La façon dont il passe en un instant du rire aux larmes est absolument bluffante. À ses côté se tient une force de la nature (la différence de taille entre les deux acteurs est savoureuse) nommée Gene Hackman, énorme en mec bourru et blasé, mais finalement prêt à tout pour secourir son pote. Car c’est bien ça que nous raconte L’épouvantail, une amitié solide bâtie sur pas grand-chose et pourtant indéfectible. Magnifiée par la lumière et la photo du grand Vilmos Zsigmond, le film nous emporte loin dans le rire et l’émotion, avec pourtant si peu de moyens et une simplicité désarmante.