La prisonnière du désert (1956) John Ford
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La prisonnière du désert (1956) John Ford
Malheur à qui brise l’équilibre familial
Parmi les multiples et légendaires collaborations entre John Ford et John Wayne, La prisonnière du désert est sans doute un des plus beaux moments de western que le cinéma américains nous ait donné. Peut-être son charme vient-il de son côté atypique : délaissait pour une fois la figure positive qu’il arbore d’habitude, John Wayne incarne ici un personnage odieux, raciste et entêté. Si ça surprend au début ( « Mais pourquoi tant de haine ? », est on amené à se demander), on se rend compte finalement que sa nature fait partie intégrante d’une opposition sans concession avec un autre personnage tout aussi haïssable qu’est celui de l’indien Scar.
La guerre de Sécession est terminée depuis trois ans, et Ethan Edwards, qui fut un soldat confédéré, rentre chez lui, ou plutôt dans le ranch de son frère Aaron. Il y habite avec son épouse, leurs filles, Lucy et Debbie, et leurs fils, comprenant un enfant adoptif, Martin Pawley. C'est un jeune homme de près de vingt ans, qui a des ascendances cherokee. Cela n'est pas vraiment du goût d'Ethan, qui, durant le dîner, manifeste ses sentiments peu amènes envers les Indiens. Le jour suivant, Ethan et Martin partent avec un groupe de voisins rechercher un troupeau de bétail volé par des Comanches. Or, c'était une diversion, et durant leur absence, une attaque est menée contre le ranch.
Ainsi le Scar de La prisonnière du désert est-il un indien qui n’hésite pas à massacrer une famille entière par simple vengeance personnelle, et on peut comptendre que cela a de quoi agacer. Quand il enlève une petite fille, point de salut, notre héros va le traquer coûte que coûte pour récupérer son « bien ». Cinq ans durant il va tourner inlassablement avec Martin, le jeune fils adoptif de son frère décédé, qui a du sang indien. Une étrange et ambiguë relation va s’instaurer entre les deux hommes, entre haine et amitié, délicatement saupoudrée d’une tension quasi sexuelle. Les magnifiques décors de la Monument Valley sont ici de rigueur (même si elle n'est pas dans le Texas mais bon, c’est du cinéma).
On retient de La prisonnière du désert un très beau travail sur la lumière dans un Technicolor qui peut paraître vieillot à l’heure du numérique mais qui garde tout son charme. Niveau acteurs, John Wayne c’est quand même la classe intégrale, il en impose avec sa carrure et son allure. Son rôle est intéressant car difficile à cerner : taciturne mais déterminé, on se demande parfois quelles sont ses réelles motivations, quelle faille se cache derrière ce grand bonhomme. À ses côtés, Natalie Wood est toute mignonne mais on la voit pas beaucoup, c’est plutôt Vera Miles, qui retrouvera John Ford dans le fameux L’homme qui tua Liberty Valance, qui s’impose ici.
C’est un western sombre et âpre qui nous est conté avec La prisonnière du désert, même s’il est saupoudré d’un humour quelquefois lourd mais d’autres fois irrésistible, notamment lors des scènes avec le personnage de Moïse. La mise en scène est presque parfaite, pratiquement tous les plans sont bluffants de maîtrise et d‘élégance. Pour preuve les scènes parallèles de début et de fin de film, où la caméra se déplace tout d’abord vers la lumière de l’intérieur du foyer à l’extérieur pour accueillir John Wayne dans le champ visuel puis inversement à la fin quand la porte se referme, abandonnant forcément notre lonesome cowboy à ses pérégrinations solitaires.