La princesse de Montpensier (2010) Bertrand Tavernier
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La princesse de Montpensier (2010) Bertrand Tavernier
Le cœur a ses raisons que les parents ignorent
Sélectionné au Festival de Cannes en 2010, La princesse de Montpensier marque le retour de Bertrand Tavernier aux films d’époque, qu’il avait laissé de côté depuis une bonne quinzaine d’années. Il s’inspire ici d’une nouvelle de Madame de La Fayette qui vaut sa renommée à son originalité. En effet, à l’époque les intrigues avaient principalement pour cadre l’Antiquité ; ici, l’autrice choisit d’ancrer son histoire un siècle auparavant, en pleines guerres de religions. Les personnages ont existé et même si Madame de La Fayette s’autorise quelques interprétations l’essentiel de son récit est globalement vraisemblable. Pour garder cette fraîcheur, Bertrand Tavernier s’entoure, pour incarner les rôles principaux de son film, de la jeune garde du cinéma français : c’est sa façon d’insister sur le caractère universel des situations dépeintes. S’il ne décroche aucun prix à Cannes, le film sera plusieurs fois nommé aux Césars et y obtiendra une récompense pour ses costumes.
Après avoir massacré toute une famille, le Comte de Chabannes décide de déserter les combats. Il se réfugie chez mademoiselle de Mézières, où des adolescents s’amusent dans le jardin. On y trouve Marie de Mézières et trois des enfants de Lorraine : Charles, le plus jeune, Catherine et Henri, appelé à devenir duc de Guise. Marie est promise à Charles mais batifole avec Henri ; mais le père de Marie voit les choses autrement, et la somme d’épouser un des cousins de la famille de Lorraine en la personne de Philippe de Bourbon, jeune prince de Montpensier. Marie s’en émeut auprès de sa mère, qui la convainc d’accepter ce que lui demande son père, pour le bien de la famille. Les deux jeunes hommes, se retrouvant ainsi rivaux amoureux, en tirent une grande inimitié. Le mariage a lieu et les deux jeunes époux convolent vers Champigny où se trouve le château de famille. Là Philippe retrouve par hasard le comte de Chabannes, avec qui il s’était lié d’amitié quelques années auparavant.
Vouloir moderniser La princesse de Montpensier est une idée intéressante, non seulement pour dépoussiérer les films en costumes, mais surtout car cela correspond tout à fait à l’idée que se faisait Madame de La Fayette de son œuvre. Nous nous retrouvons ainsi dans une intrigue amoureuse à plusieurs personnages, où plusieurs hommes convoitent la même femme. Ainsi se forme un triangle amoureux complexifié, puisque interviennent en filigrane les sentiments du comte de Chabannes et du duc d’Anjou, alors pas encore Henri III. On pourrait alors presque comparer le film à un teen movie de l’époque, ainsi ce que met en avant Bertrand Tavernier, c'est l'intemporalité des intrigues, en l’occurrence de cour, mais que l’on pourrait très bien généraliser. Or ces mêmes manigances sont censées, dans le roman de Madame de Lafayette, guider les desseins politiques des personnages. On passe ainsi de l’intime au public, par le biais de la trajectoire d’une femme.
Car le réalisateur accorde une place importante au contexte de l'époque, où les guerres de religion ont une part primordiale et où le destin des femmes est assujetti à celui des hommes. Encore une fois, cet aspect, tout à fait clairement et admirablement montré dans La princesse de Montpensier, est tout de même légèrement nuancé par le récit puisque même maintenues sous la sujétion masculine, elles parviennent un tant soit peu à influer sur leurs actions. Cela tient au personnage principal, duquel Madame de La Fayette a doté d’une forte personnalité. Elle souhaitait en effet mettre en avant une morale édifiante, soutenant que les décisions cruciales de son existence en auraient sinon pu être bien autre. Le résultat à l'écran est assez académique, et la reconstitution historique est sans faille, tant au niveau des décors que des costumes. Le film est également baigné d'une lumière en clair-obscur assez réussi et sa mise en scène, classique, sert son propos.
Cependant on ne peut s'empêcher de rester un peu sur sa faim, tant La princesse de Montpensier est d'une facture conventionnelle qui étouffe un peu l'émotion. Le casting, bien qu’alléchant, est inégal : Mélanie Thierry n'a pas beaucoup d'expressions sur son visage et certains des acteurs masculins manquent singulièrement d'aspérité. Si Raphaël Personnaz et Lambert Wilson tiennent tout à fait leur rang, Grégoire Leprince-Ringuet et Gaspard Ulliel peinent à convaincre, engoncés comme on les sent dans leurs costumes d’époque. L'idée qui motive le long-métrage est intéressante, et la volonté de Bertrand Tavernier de vouloir renouveler le genre ne manque pas d'attrait, d’autant plus pour un réalisateur qui, à l’aube de ses 70 ans, n’avait alors rien à prouver. Reste que l'objet cinématographique qui en découle n'est pas complètement satisfaisant : il ravira les amateurs de fresques historiques traditionnelles mais aurait pu bénéficier d’une mise en scène un peu plus moderne.