Selfie (2019) Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat et Vianney Lebasque
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Selfie (2019) Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat et Vianney Lebasque
Ça serait pas mal sur une plateforme de VàD
C'est le producteur et scénariste Julien Sibony, à qui l'on doit une websérie diffusée sur Arte, qui a lancé le projet de Selfie. C'est une idée assez théorique, basée sur le fait que les thématiques actuelles des nouvelles technologies, qui sont omniprésentes dans nos vies quotidiennes, méritaient selon lui un traitement cinématographique. Il s'entoure alors d'un aréopage de scénaristes et de réalisateurs, qui vont chacune et chacun proposer un sketch. Les différentes parties du films sont alors reliées entre elles par des apparitions récurrentes de certaines actrices et de certains acteurs. On y voit la source des comédies italiennes des années 1970, qui traitaient sous la forme de plusieurs courts-métrages humoristiques à la suite, de différentes thématiques. Le ton volontaire apporté à l’œuvre et le sarcasme et l'humour, le message véhiculé se voulant une satire de notre société contemporaine.
Le début
Les quatre membres d'une famille regardent ensemble une vidéo sur Internet. L'aîné s'ennuie et préférerait aller se coucher mais sa mère lui demande de faire un effort pour son petit frère. Celui-ci aimerait cliquer sur « like » mais elle lui dit que ça ne se fait pas, de liker ses propres vidéos. La fille fait remarquer qu'il est bientôt minuit et qu'il serait temps de se coucher. Mais les parents insistent pour attendre que le compteur de vues de la vidéo atteignent un certain seuil. Ils la regardent une fois de plus, il s'agit d'un montage mettant en scène leur cadet, atteint d'une maladie orpheline, et de son combat pour guérir. Le lendemain, les parents se félicitent d'avoir été sélectionnés pour aller à Hollywood y faire la promotion d'une grande marque. Grâce à leur vlog, ils sont devenus influenceurs et gagnent de l'argent en se faisant sponsoriser.
Analyse
Les cinq segments qui composent Selfie ne sont pas de qualité homogène. La façon de les relier est assez habile bien qu'artificielle, puisqu'on passe d'un personnage à un autre par le biais des relations familiales ou amicales qu'ils ou elles peuvent entretenir. Mais forcément, les sketchs ne sont pas tous aussi intéressants et bien réalisés les uns que les autres. La partie mise en scène par Thomas Bidegain sort en particulier du lot, principalement grâce à l'interprétation remarquable de Blanche Gardin et de l'humour vachard qui lui est associé, et auquel elle a participé au travers de l'improvisation. Par contre, la tentative, louable, de partir dans le film de genre dans le dernier segment, réalisé assez mollement par Vianney Lebasque, échoue par le manque de temps qui lui est consacré pour réellement pouvoir s'emparer de la forme de la science-fiction à laquelle elle aspire.
Ces différences de niveau qui sont le propre de Selfie donnent une impression d'inachevé à l'ensemble. De plus, la qualité moyenne de la mise en scène ne rend pas vraiment hommage à sa sortie cinématographique. En fait chacune des saynètes, qui ne souffriraient aucunement d'être séparées, conviendraient parfaitement à un visionnage sur petit écran. On se demande même parfois, voire souvent, quel est l'apport du septième art dans cette œuvre bancale. C'est à se demander si c'est la thématique du film, qui questionne tous les aspects du numérique mais de façon plus que superficielle la porosité des anciens et nouveaux médias, qui a poussé vers une sortie en salles. Reste que les questionnements que pointent du doigt le long-métrage, si ils sont pertinents, n'ont aucune originalité : on les a déjà vu apparaître souvent, y compris au cinéma, et de façon bien plus poussée.
Ce qui fait plutôt l'intérêt de Selfie est le traitement de ces problématiques. L'angle humoristique fait parfois mouche, et l'écriture des dialogues est assez réussie dans plusieurs segments. On pense par exemple à la partie dont le personnage principal est interprété par Elsa Zylberstein. Elle campe de façon jouissive une caricature de professeure de français qui, sur le papier, semble ni faite ni à faire mais qu'elle réussit à incarner joliment. Ses reparties sont cinglantes et son air mutin apporte une ironie bienvenue. Les rôles féminins sont d'ailleurs mieux écrits que ceux des hommes : si on est ravis de revoir Fanny Sidney après son passage dans Dix pour cent, les figures masculines sont peu convaincantes, et les acteurs qui les portent leur offrent peu d'épaisseur. C'est donc un peu un coup d'épée dans l'eau que ce film sans grande aspérité, qui ferait passer un bon petit moment télé.