La nuit nous appartient (2007) James Gray
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La nuit nous appartient (2007) James Gray
Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir
Après David Cronenberg et son Eastern promises, ce fut au tour de James Gray de visiter à la fin des années 2000 l’univers de la mafia russe dans La nuit nous appartient. Mais lorsque le premier ancrait son récit dans un Londres contemporain, le deuxième s’attachait à une période moins récente, les années 1980, à New-York. Le point commun des deux films : traiter de la mafia russe mais avec un regard extérieur ; une jeune innocente pour l’un, le rejeton d’une famille de flics pour l’autre.
Famille : le mot est lâché ; un mot qui revêt une signification particulière pour James Gray (notons toutefois que dans le film de David Cronenberg aussi les liens familiaux ont leur importance) : le réalisateur new-yorkais a amorcé avec ses deux premiers films, Little Odessa et The yards, une œuvre ancré dans cet univers sclérosant pour les uns, unificateur pour d’autres. Notez d’ailleurs que les rôles sont inversés entre deux des films du réalisateur : après avoir incarné le fils de famille intégré dans The yards, Joaquin Phoenix récolte dans La nuit nous appartient le rôle de l’enfant rebelle tandis que Mark Wahlberg joue le fils spirituel de son père.
Le cadre est posé : une famille de policiers, probes et honnêtes, un rejeton qui ne s’inscrit pas dans cette droite lignée mais lui préfère les spotlights des boîtes de nuits. Oui mais jusqu’à quand pourra-t-il faire bonne figure ? Ainsi, comme dans chacun de ses films, il y a de la profondeur dans ce long-métrage de James Gray ; le réalisateur n’est certes pas prolixe mais il livre à chaque fois du bel ouvrage. La nuit nous appartient est un film épais, qui a du corps et de la chair, comme les bons vieux films noirs d’antan.
La vieille dichotomie entre bons flics et mauvais gangsters tient encore la route, et ce grâce à cette jolie idée de placer au beau milieu le personnage de Bobby, tiraillé entre sa bonne conscience et ses vieux démons. L’évolution du personnage est en ce sens admirable : si au début on suit un homme aux antipodes des valeurs familiales que prônent son père et son frère, la suite de La nuit nous appartient nous offrira à voir les divers stades de sa lente métamorphose.
Il est ici de bon ton de noter la performance remarquable de Joaquin Phoenix, sobre et toujours dans le ton, mais aussi celle de son alter ego dans le film, Mark Wahlberg qu’on avait pas vu en aussi bonne forme depuis longtemps. Pour compléter le portrait de famille, Robert Duvall est impérial en patriarche fatigué et aimant. Après avoir salué une bande originale aux petits oignons, on pourra toutefois regretter l’absence de touche féminine, Eva Mendes faisant un peu office de potiche (de luxe) dans l’histoire.
Mais cette tragédie qu’on pourrait croire d’un ancien temps est intrinsèquement masculine, c’est la vieille histoire d’Abel et de Caïn, celle d’À l’est d’Eden qui nous passionne toujours autant. Pour preuve, écoutez le tout dernier dialogue de La nuit nous appartient, et voyez comment il est mis en scène : il n’y a plus rien à ajouter. Ou plutôt si, en l'occurrence la prodigieuse séquence inaugurale du récit, qui nous invite à entrer dans la danse au son du Heart of glass de Blondie.