Shokuzai (2013) Kiyoshi Kurosawa
On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
Shokuzai (2013) Kiyoshi Kurosawa
Pardonnez-leur, car elles pensent avoir péché
Considérons Shokuzai, celles qui voulaient se souvenir et Shokuzai, celles qui voulaient oublier comme une seule et même œuvre, ce qui est sans doute la meilleure façon de les voir. Car Shokuzai est à l'origine une mini-série pour la télévision japonaise, diffusé en cinq épisodes, qui est parvenue en France sur grands écrans, en deux long-métrages. Kiyoshi Kurosawa a adapté ici un roman populaire japonais qui suit cinq personnages féminins en quête de rédemption. Le prolifique réalisateur soigne ici son style, cultivant en particulier le genre du thriller en s'éloignant du traitement horrifique qu'il affectionnait dans son début de carrière. Il est fidèle à son acteur Teruyuki Kagawa, avec qui il avait déjà tourné deux de ses films, et prend pour incarner les personnages principales des actrices à contre-emploi, qui viennent de la télévision ou de la culture pop.
Le début
Nouvelle élève dans le village, Emili se fait vite de nouvelles amies. Elle se lie avec quatre d'entre elles plus particulièrement, et les petites filles jouent souvent ensemble. Un jour, l'une d'entre elle est bouleversée par le vol de sa poupée, et elle se rend compte qu'elle n'est pas la seule. Plus tard, les cinq amies se retrouvent dans un terrain vague quand elles croisent un homme qui leur demande de l'aide pour aller chercher un objet dans le gymnase de leur école. Il désigne Emili qui l'accompagne seule, après que ses amies ont proposé qu'elles y aillent toutes ensemble. Au bout d'un moment, ne la voyant pas revenir, les petites filles décident d'entrer dans le gymnase, où elles la trouvent inanimée. L'une d'entre-elles prend alors les devant, demandant à ce qu'elles se séparent pour alerter tout le monde.
Analyse
L'appartenance au genre télévisuel de Shokuzai se fait ressentir d'un certain côté et pas d'un autre. En ce qui concerne le deuxième argument, il se distingue du format télévisuel classique par son style, et par sa mise en scène très élaborée. Mais à bien y réfléchir beaucoup de séries ou de mini-séries contemporaines affichent également une très bonne tenue au niveau de la réalisation. C'est une pierre de plus à l'édifice du rapprochement des médias qui s'opère ici une fois de plus. Là où le film se rapproche d'un produit destiné à la petite lucarne traditionnelle, c'est par sa narration, faussement déconstruite. Finalement il peut aisément se scinder en plusieurs parties, ouvertement affichées à l'écran, avec des lignes de partage assumées, et qui pourraient se voir séparément.
Ces parties, homogènes dans leur traitement racontent chacune une histoire différente, tout en gardant des lignes narratives qui se font écho, et abordent des thèmes communs, complémentaires mais également indépendants. Le rappel de l'histoire commune, et les mentions aux personnages qui l'ont vécue, intervient à chaque fois, comme dans une série, pour enrichir le spectateur ayant vu les autres segments tout en pouvant apparaître superflu mais pas contraignant à qui ne les aurait pas vus. En outre, les différents thèmes abordés dans Shokuzai, qui signifie « pénitence » ou « rédemption », en japonais, tournent tous plus ou moins autour de la culpabilité. On le savait déjà, mais force est de constater que les pays de culture judéo-chrétienne ne sont donc pas les seuls à tenter de ce dépêtrer du péché originel.
Le pays du soleil levant a un rapport tout particulier avec l'idée de repentance, qui est très habilement analysée dans chacun des segments de Shokuzai. Le spectateur peut piocher dans chacune des parties, et trouver dans l'une d'entre-elles celle qui lui parlera le plus. On peut par exemple être particulièrement touché par l'histoire de Sae, interprétée par Yū Aoi, qui, des années plus tard, interprétera le rôle principal des Amants sacrifiés, du même Kiyoshi Kurosawa, et de sa poupée française. On ressort en tout cas assez choqué de la vision du long-métrage, et il continue de hanter le spectateur bien après sa projection, même si la résolution finale est un peu trop tirée par les cheveux. La mise en scène maîtrisée concourt toutefois à cette ambiance particulière qui nous poursuit de façon lancinante.