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Last words (2020) Jonathan Nossiter

Last words (2020) Jonathan Nossiter

Published Oct 24, 2020 Updated Oct 24, 2020 Culture
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Last words (2020) Jonathan Nossiter

Dernière communauté avant la fin du Monde

La figure de Jonathan Nossiter s’est faite connaître plus particulièrement en 2004 avec son documentaire Mondovino, présenté au Festival de Cannes. Ce long-métrage témoignait alors déjà de la fibre militante de ce réalisateur, que nous retrouvons avec Last words sous une forme plus fictionnelle. Il choisit ici d’adapter Mes derniers mots, le roman de Santiago Amigorena, qui en 2019 avait secoué la rentrée littéraire avec Le Ghetto intérieur. Aujourd’hui cultivateur en Italie, Nossiter prépare depuis six ans son œuvre , dont la thématique principale lui a été inspirée par l’état actuel du Monde. L’épidémie virale qui y décime la population résonne aujourd’hui de façon particulièrement vivace dans le contexte de la crise sanitaire durant laquelle sort le film. Sélectionné par un Festival de Cannes qui n’a pas pu avoir lieu, il fut présenté durant le Festival du cinéma américain de Deauville. Son casting international se fait l’écho des différents pays dans lesquels se déroule son intrigue.

En juin 2086, Kal est le dernier survivant de l’apocalypse. Deux ans auparavant, il émigre de Londres vers Paris avec sa sœur enceinte, y cherchant un refuge et de quoi subsister. Ils forcent l’entrée d’un immeuble, où dans un vieil appartement ils trouvent une pièce cachée, dont l’odeur pestilentielle les prend à la gorge. Ils y découvrent à boire et à manger, ainsi que de nombreuses affiches de cinéma, des livres et des bobines de films. Ils sont particulièrement intrigués par ces objets dont ils n’ont jamais entendu parler, et la mention de la ville de Bologne leur met particulièrement la puce à l’oreille. Une fois leurs réserves de nourriture épuisées, ils sortent pour en trouver d’autres et se trouvent confrontés à une bande de jeunes garçons inquiétants. Étonnés de voir le ventre de la jeune femme, ils se demandent ce qu’il y a à l’intérieur, chacun ayant sa petite idée sur la question. Ils finissent par lui ouvrir le ventre, abandonnant Kal avec le cadavre de sa sœur.

Visuellement, Last words est assez saisissant. La douce lumière qui abreuve le film, fonctionnant en antithèse avec les thématiques qu’il développe, est mise en valeur par la mise en scène de Jonathan Nossiter. Le réalisateur privilégie les plans larges et les travellings pour nous présenter des paysages de désolation qui nous impressionnent tout en paraissant paradoxalement beaux. La mise en situation, dans un Paris détruit et abandonné, met le spectateur violemment dans l’ambiance de cet univers post-apocalyptique où les rares survivants n’ont plus aucun souvenir du Monde d’avant. Le parcours du personnage principal va par la suite nous faire traverser des étendues désertiques où la nature, la faune et la flore, n’ont plus aucun droit. Cette ambiance est particulièrement bien rendue par la cheffe opératrice ainsi que l’ensemble de l’équipe technique, qui la rend palpable. Ainsi, contrairement à de nombreux films de science-fiction, un soin particulier est ici apporté à la crédibilité de l’environnement qui entoure les protagonistes.

La dimension politique de Last words est assénée de façon très sincère et tout aussi simpliste. La bonne foi de Jonathan Nossiter ne fait aucun doute, lui qui s’est peu à peu éloigné de ses activités artistiques pour se consacrer de plus en plus à l’agriculture. Il a témoigné, non seulement avec Mondovino, mais aussi avec un autre documentaire, Résistance Naturelle, de l’intérêt qu’il porte envers la nature et avec la culture. Ces deux notions sont pour lui indissociables et recèlent toutes deux les clés de notre salut. Il appelle ainsi de ses vœux l’éducation aux arts et à la littérature, et une redécouverte des façons traditionnelles de cultiver nos terres dans une perspective conjointe de développement durable. Ces vœux pieux sont tout à fait louables et méritent que l’on y prête une sérieuse attention, malgré la gentille utopie qui sous-tend ces théories. On a envie de croire en l’espoir porté par le personnage de jardinière interprété par Alba Rohrwacher, tout en étant bien contraint d’adhérer à cette fin désillusionnée. 

Au-delà de ses thématiques écologiques, Last words met en place un univers dystopique qui fonctionne bien. Le spectateur est d’emblée embarqué dans ce monde en proie à la désolation, sans que l’on ne sache vraiment quelle en est la raison, même si par la suite de multiples pistes nous serons évoquées, comme les épidémies, tsunamis et autre catastrophes naturelles. Les différents repères temporels qui émaillent le récit, souvent contradictoires, embrouillent un peu le discours général, situant l’action des protagonistes dans un flou étrange. Les plus âgés d’entre eux ont d’ailleurs connu de nombreuses époques, et l’on serait bien en peine de savoir leur âge, une grossesse inattendue et inexpliquée n’arrangeant pas notre confusion. C’est le caractère intemporel du discours qui est ainsi mis en avant, et renforcé par le cadre dans lequel se passe la seconde partie du film. Les ruines censément athéniennes (mais en réalité italiennes) font ainsi écho au thème de la mémoire qui transparaît durant l’ensemble du long-métrage.

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