Bidonvilles de luxe
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Bidonvilles de luxe
C’est curieux. Ils semblaient si heureux de passer quelques jours dans cet amas immonde et sombre. Certains le nommaient complexe hôtelier, d’autres paradis sur terre… sous prétexte qu’on y trouvait une piscine chauffée et un spa, que les repas y étaient servis en chambre et que l’on n’avait rien d’autre à faire que de paresser. Quelle étrange idée.
Déjà petite, je ne comprenais pas cet engouement. Ce besoin de s’enfermer avec un tas d’inconnus… de barboter des heures dans la crasse des autres… de manger en compagnie de fumeurs ou gueulards.
Et pourtant, j’en avais connu des centaines. Au soleil. À la montagne. En ville. À l’étranger… Tous pareils. Des chambres opulentes aussi propres qu’une benne à ordure. Des centres de détente aussi bruyants que des boites de nuits… Durant toutes ces années, ils avaient été ma maison. Mon foyer. Et le personnel désabusé, ma famille.
Mes parents étaient des promoteurs fortunés toujours à la recherche de l’affaire du siècle. Ils sillonnaient le monde et me traînaient partout avec eux. Ils voulaient toujours plus grand, toujours plus beau, toujours plus cher. De véritables bidonvilles de luxe !
Mais il faut bien avouer que ces horreurs architecturales avaient le mérite d’être extrêmement solides. Malgré les guerres et les catastrophes qui ont touché notre pays, elles se dressent fièrement devant moi, me rappelant ce lointain passé que je voudrais tant oublier.
Texte de L.S.Martins en réponse à un défi d'écriture de la Guilde des écrivants
Image par Ingi Finnsson de Pixabay : Habitat 67 Montréal - Photo gratuite sur Pixabay