Le temps et ses ravages
On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
Le temps et ses ravages
Je me souviens encore des premiers signes de ses méfaits. De ses ravages incontrôlables et destructeurs… Quelques briques effacées ici et là, laissant entrer le soleil dans ma forteresse. Mais je n’ai pas su y prêter attention. Pas avant que cette douce lumière ne vienne gommer les lignes de mon histoire, les images de mon passé, précieusement rangés dans ce palais.
J’ai mis tant d’années à le construire. Pierre par pierre, j’ai passé des heures entières seul sur mon lit à contempler le plafond, au plus grand dam de ma mère. Bien incapable de me comprendre, elle me secouait pour que je revienne à la réalité…, à sa réalité ! Mais je n’en avais que faire. Rien ni personne ne pouvait m’empêcher de m’évader dans mon esprit. Pas même la maîtresse et ses punitions. Étourdi, benêt, fou, débile… et j’en passe. Des surnoms offensants, des moqueries blessantes qui m’ont poursuivi toute ma vie.
Aujourd’hui, une tempête fait rage en moi. Un véritable ouragan qui dévaste tout sur son passage, me privant de mon refuge et de mes souvenirs. Il me sera bientôt impossible de me remémorer le visage de ma tendre épouse ou de retrouver le prénom de chacun de nos enfants. Il ne restera rapidement plus qu’un champ de ruines balayé par une pluie battante. Quant à moi, je suis condamné à n’être qu’un spectateur médusé par l’horreur de cette scène.
Alors que je reste là, immobile et tristement impuissant, j’aperçois une feuille griffonnée virevolter dans les airs avant de tomber à mes pieds. Une des journées les plus exquises de ma vie : notre mariage. Je revois Marie, rayonnante. Elle avait l’air d’un ange dans sa robe blanche.
Un sourire empli de nostalgie se dessine sur mon visage rongé par le temps. Une larme chargée de mélancolie coule sur ma joue ridée. L’inconnue devant moi se saura jamais que ce bref instant de bonheur ne lui est pas destiné. Que je suis déjà loin, incapable de saisir le moindre de ses mots… La maladie a eu raison de moi. Plus jamais je ne pourrais revenir vers elle, dans sa réalité.
Texte de L.S.Martins (30 minutes chrono, sans relecture).
Image par Pete Linforth de Pixabay : Tempête Conditions Météorologiques - Photo gratuite sur Pixabay