Fantômes du passé
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Fantômes du passé
Revenir sur les lieux du crime… Erreur tragique. Et pourtant, je ne pouvais faire autrement.
Rien ne semblait avoir changé. Le calme de l’eau. L’odeur de l’herbe grasse. Le ciel menaçant. Et cette silhouette quasi-fantomatique qui hantait toutes mes nuits depuis mon départ, il y a 15 ans. Ce château désertique et sans âme… Enfin, empli des démons du passé. De mon passé.
Je revoyais ce jeune garçon, terrorisé par un père violent, détesté par une mère acariâtre. Le dernier de la portée. Le petit geignard. Le vilain petit canard, trop frêle pour cette vie de labeur. La douleur des gifles me revint aux joues. Une gifle pour avoir été malade durant trois jours et deux nuits. Une gifle pour s’être blessé en soulevant une bûche trop lourde. Une gifle pour être né.
Lorsque mon corps me le permit, j’ai fui. J’ai couru sans m’arrêter. 1 heure ? 1 journée ? 1 semaine ? Je ne m’en souviens plus. J’ai couru jusqu’à perdre haleine… Jusqu’à ce que mes jambes ne puissent plus me porter… Jusqu’à ce que je m’écroule, inconscient, la gorge sèche, le cœur cognant ma poitrine et les yeux mouillés de larmes.
La fièvre me prit et ne me quitta pas durant une éternité. Recueilli par une vieille femme aimante, j’avais été soigné comme jamais auparavant. Elle me veillait chaque seconde jusqu’à ce qu’enfin, j’ouvre les yeux. Elle était mon ange et devint ma mère.
Comment le notaire avait-il bien pu faire pour me retrouver ? C’était un véritable mystère. Il m’avait adressé une lettre pour m’annoncer le décès de mon ancienne famille. Tous. La maladie les avait tous emportés. J’étais le dernier survivant de cette maudite portée.
J’aurai dû déchirer ce billet. L’oublier. Mais je n’ai pu m’y résigner. Et me voici, un soir de juillet, sur l’herbe grasse de mon enfance. Le ciel était noir. Zébré de quelques éclairs bruyants. Devant moi se dessinait les contours de cette bâtisse ancestrale. Le bureau de mon père était éclairé. Pourquoi ? La peur me saisit le ventre, me serra la poitrine… Je restais immobile quelques minutes, bien incapable du moindre mouvement.
Soudain, une main fraîche se glissa dans la mienne et un murmure caressa mon oreille :
– Je t’avais promis d’être avec toi dans les moments les plus difficiles. Toujours…
Envahi par une force que je ne me connaissais pas, je repris mon chemin. Enfin prêt à affronter les fantômes de mon passé.
20 minutes chrono, sans relecture.
Texte de L.S.Martins
Image par Enrique Meseguer de Pixabay : Château Fantaisie Sombre - Photo gratuite sur Pixabay