Une sacrée veine !
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Une sacrée veine !
Comme à notre habitude, nous nous étions retrouvés dans un lieu interdit. Un lieu rappelant un passé lointain et révolu, un passé que les anciens aimeraient oublier.
C’était la première fois que je mettais les pieds ici. Je ressentais un mélange d’excitation et de peur. L’excitation de l’interdit. La peur de l’inconnu. J’étais totalement ignorant des dangers qui nous guettaient. Des prédateurs qui n’attendaient qu’une chose : nous croquer.
- C’est quoi ce grand machin qui pend ?
J’avais rejoint Kris à l’intérieur. Il était assis sur une vieille barrière jaune, la clop au bec.
- Comme tu veux que je sache ? Tu me prends pour une encyclop ?
- Une encyclop ? De quoi tu parles ?
- Laisse tomber, pauvre naze…
Il sauta sur le sol en me jetant un regard dédaigneux. Il était plus âgé que moi et était du genre « Monsieur Je sais tout ». Le genre de gars qui vous bassinait pendant des heures avec ses connaissances.
Curieux, j’insistais :
- Bon, tu sais ou pas ?
- J’en sais rien ! Fiche-moi la paix avec toutes tes questions à la con.
- Bah, ton vieux, il bossait pas ici ?
- Mon vieux ? Tu crois qu’il a quel âge ?
- J’en sais rien. C’est Tio qui m’a dit ça, l’autre jour. Et que c’est pour ça que tu voulais pas v’nir ici. T’avais trop les chocottes à cause de ton vieux et de toutes ses histoires cheloues.
- Faut vraiment qu’il arrête, Tio, avec ses conneries…
- Alors c’est pas vrai ?
- Bien sur que non. Et puis tu me fais chier. Je me casse !
Kris disparut dans la pénombre, derrière des machines en acier. Je n’eus pas le temps de le rejoindre que j’entendis un cri suivit d’un bruit effroyable d’os brisés. Sans réfléchir, je me précipitais vers lui pour apercevoir avec horreur le corps de mon ami. Il semblait pris de spams incontrôlables, mais à dire vrai, il bougeait au rythme des coups de crocs d’une bête immense. Un monstre comme je n’en avais jamais vu, même dans mes pires cauchemars.
Les yeux rouges flamboyants, la gueule béante, les poils dressés le long de sa colonne, elle me fixait d’envie. Ses pattes étaient gigantesques et se terminaient par des griffes longues et acérées. Elle aurait pu être magnifique si elle n’était pas aussi effrayante.
Pétrifié, je la regardais avancer vers moi. Lentement. Avec une grâce mortelle. Ses muscles ondulaient sous sa fourrure sombre et soigneuse. Elle ressemblait étrangement à une de ces panthères que j’avais vu dans un livre, chez Kris.
Kris… il gisait au sol, baignant dans son sang. Le visage livide. Le regard vide. Il était trop tard pour lui. Mais moi, j’avais encore une minuscule chance. Il fallait que je réagisse. Que je bouge !
- Couche-toi !
Un homme sortant de nulle part se tenait derrière moi, une arme à la main. Une explosion retentit. Une autre. Et chaque fois, l’inconnu ratait sa cible. L’animal, devant moi, continuait à avancer. Troisième et dernière déflagration. Le monstre se mit à tituber et s’écroula. À mes pieds.
- Qu’est-ce que tu fous, là ? Tu devrais être dans l’abri.
Je connaissais cette voix, mais j’avais trop peur pour l’identifier. Alors, quand il enleva enfin son masque et que je découvris le visage de mon frère, je fus pétrifié. Il appartenait à l’armée et il allait devoir tout raconter à mes parents. Je devais avoir une histoire crédible, mais rien ne me venait. J’étais incapable de lui répondre.
- Viens. Je te raccompagne chez les vieux. Et pas un mot sur ce qui vient de se passer. T’as eu du bol que j’ai déserté mon poste, parce que sinon tu serais comme ton pote !
Déserté son poste ? J’ignorais ce que ça voulait dire, mais c’était suffisamment grave pour qu’il mente et ne me dénonce pas. J’avais eu une sacrée veine !
Histoire de L. S. Martins (20 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Peter H de Pixabay : Usine Industrie Bâtiment D'Usine - Photo gratuite sur Pixabay