Les Filles du Docteur March (Little Women, Greta Gerwig, 2019)
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Les Filles du Docteur March (Little Women, Greta Gerwig, 2019)
La dernière version (en date) du célèbre roman de Louisa May Alcott, déjà portée de multiples fois à l'écran est aussi l'une des plus réussies. Rien de révolutionnaire, la réalisatrice reste fidèle au roman d'origine y compris dans certaines de ses valeurs surannées dont on pourrait maintenant je pense se passer (les oeuvres de charité dévolues aux femmes par exemple, le sens du sacrifice utilisé comme moyen d'édification et la mort doloriste de Beth qui en résulte comme si cette pauvre fille n'avait de place qu'au cimetière. Mais c'est normal puisqu'elle incarne la sainteté qui n'est pas humaine). Néanmoins, il y a une belle vivacité dans le jeu des acteurs et des actrices qui secoue un peu l'aspect corseté de la société dans laquelle les personnages vivent. Le scénario qui fonctionne par flashbacks réagence intelligemment le roman de façon à éviter les redondances ou à créer un système d'échos entre le premier (l'adolescence) et le second volume du roman original ("le docteur March marie ses filles" alias trois mariages et un enterrement). Mais l'aspect que j'ai trouvé le plus intéressant c'est la mise en abyme du travail d'écrivain de Jo comme étant celui de l'auteure du roman qui n'a jamais caché que son héroïne était un double d'elle-même (et celle-ci devient également une projection de Greta GERWIG). Lorsque Jo est amenée à raconter sa véritable histoire plutôt que de s'évader dans des intrigues fantaisistes, elle se décrit comme une indécrottable célibataire qui refuse les propositions de mariage et souhaite rester vieille fille (ce qu'a été Louisa May Alcott). Mais son éditeur l'oblige à modifier la fin pour que le roman soit "bankable". Et Jo (et à travers elle Louisa et Greta) de souligner alors combien le mariage n'est qu'une opération financière et d'exiger logiquement en échange de cette concession l'intégralité des droits d'auteur (négociation qui a réellement eu lieu entre Louisa May Alcott et son éditeur). Jo reste donc célibataire comme l'aurait voulu son auteure et est même montrée comme légèrement queer avec ses faux airs de Virginia Woolf. Un petit coup de griffe bien senti, tout comme celui d'Amy à propos de ceux (et non de celles) qui jugent la qualité des oeuvres d'art et en écartent presque systématiquement celles qui sont réalisées par des femmes.