Petit Paysan (Hubert Charuel, 2017)
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Petit Paysan (Hubert Charuel, 2017)
"Petit paysan" est le premier long-métrage, très remarqué et à juste titre de Hubert CHARUEL. Adoptant les codes du thriller, il réussit en même temps à réaliser un documentaire sur la fin du monde d'où il est issu, celui des petits exploitants agricoles familiaux attachés à leur terre, à leur pays, à leur troupeau, à leurs racines au profit de l'agrobusiness et sa gestion capitaliste de la question alimentaire. Mais pour autant le film n'est ni manichéen, ni démonstratif, ni désespéré malgré sa dureté. Au contraire, c'est sa force, il nous plonge dans la tête de Pierre (Swann ARLAUD) qui vit tellement en osmose avec ses vaches qu'il élève dans le domaine familial dont il a hérité (en réalité la ferme des parents du réalisateur) qu'il n'existe aucun espace pour quoi que ce soit d'autre dans sa vie. Jusqu'au jour où celle-ci bascule à la faveur d'une maladie bovine (fictive mais tout le monde comprend qu'il s'agit d'une allusion à la vache folle qui terrorisait les parents de Hubert CHARUEL quand il était enfant) qu'il va tenter de cacher coûte que coûte à sa soeur vétérinaire (Sara GIRAUDEAU), à ses parents, à ses amis, aux contrôleurs, bref à tous ceux qui approchent ses vaches d'assez près pour découvrir le pot aux roses. Les séquences de suspense s'enchaînent ainsi crescendo au fur et à mesure que la crise s'aggrave et que le film s'assombrit. Parallèlement, Hubert CHARUEL mélange fiction et réalité, comédiens professionnels et membres de sa propre famille (la mère de Pierre est jouée par Isabelle CANDELIER mais son père est joué par celui de Hubert CHARUEL et Swann ARLAUD a fait un stage de plusieurs semaines chez les Charuel pour apprendre les gestes techniques du métier et créer un lien de confiance avec les vaches) pour montrer un processus de contamination: celui des images de cinéma par celles des vidéos youtube (seul accès de Pierre au monde extérieur), celui de la confiance par la peur, celui d'un monde immuable par celui du changement, celui de l'organique (filmé au plus près de la peau des bêtes) par celui des machines, celui des petits noms affectueux par celui des numéros de série. Mais paradoxalement, cet arrachement à la terre, cette perte de ce qui semble être une partie de sa propre chair (celle de Pierre étant elle-même atteinte par des manifestations psychosomatiques semblables à celles bien réelles de ses bêtes, le gros plan sur leurs yeux respectifs les montrant comme des égaux) est aussi peut-être la fin d'une aliénation, le début d'une libération. Le film s'ouvre sur un cauchemar claustrophobique dans lequel les animaux ont envahi l'espace intime de l'homme et se termine sur une route dégagée en plein jour c'est à dire sur la perspective de nouveaux horizons.