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Le Jouet (Francis Veber, 1976)

Le Jouet (Francis Veber, 1976)

Publié le 25 juil. 2020 Mis à jour le 25 juil. 2020 Culture
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Le Jouet (Francis Veber, 1976)

"Je veux ça"
"Le Zorro? Le Cosmonaute?"
"Non ça!"

Il y a deux façons d'interpréter ce dialogue, un des moments-clés de la première réalisation de Francis VEBER dont l'outrance satirique cache une authentique tragédie de l'intime. Comme le dit Michel BOUQUET "Tout est profondément tragique dans ce film et c'est là-dessus que la comédie peut se développer."

La première interprétation consiste à ne voir dans ce désir (s'approprier un être humain et le traiter comme un objet) qu'un caprice d'enfant tellement gâté-pourri qu'il n'a plus aucune limite. C'est d'ailleurs moins la demande de l'enfant qui terrifie que la servilité des adultes qui l'entourent, tous prêts à servir ou à jouer ce jeu malsain. A l'un d'entre eux, le rédacteur en chef Blénac (Jacques FRANÇOIS), le patron et père de l'enfant (Michel BOUQUET) dira cette phrase restée dans les annales: "Qui de nous deux est le monstre, moi qui vous demande de retirer votre pantalon ou vous qui acceptez de montrer votre derrière ?" En effet Veber rappelle que la tyrannie ne peut fonctionner sans l'obéissance, le jeu se joue toujours à deux et quelle que ce soit sa situation (ici la crise économique, la hantise du chômage et des dettes) on a toujours le choix.

Mais la deuxième partie du film montre que la demande de l'enfant a un autre sens. Ce qu'il veut, c'est avoir un être humain avec lui au milieu des objets qui l'entourent. Un père plus exactement. Car le film a une résonance autobiographique aussi bien pour Francis VEBER ("j'ai raté mon père, mon père m'a raté aussi") que pour Pierre RICHARD ("mon père n'en avait pas non plus [d'affection pour moi]"). La relation qui se développe entre l'enfant et François Perrin finit par échapper à la logique de la marchandisation des êtres humains pour devenir affective. Pour François Perrin (et derrière lui Francis VEBER et Pierre RICHARD) il s'agit d'une mission sauvetage, celui de l'enfant qu'ils ont en eux et qui ne veut pas mourir (contrairement à celui qui était à l'intérieur de leurs pères).

Enfin le comique du film ne sert pas qu'à transmuer la tristesse, il est aussi un bon moyen d'expression de la colère. François Perrin apparaît comme un agent du chaos qui dynamite les normes sociales de l'intérieur et investit l'enfance comme principe de subversion. La scène où François Perrin et le gamin dévastent la garden-party du père en jouant aux cowboys et aux Indiens (rebaptisés "rouges") alors qu'une manifestation syndicale d'ouvriers injustement licenciés se déroule à l'extérieur des grilles donne une allure de lutte des classes qui ne dit pas son nom à la scène. Bien qu'à l'époque tout le monde avait reconnu Dassault derrière le personnage de Rambal-Cochet. Le licenciement sous des prétextes futiles comme des mains trop moites est hélas une histoire authentique.

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