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Dune (David Lynch, 1983)

Dune (David Lynch, 1983)

Publié le 27 sept. 2021 Mis à jour le 27 sept. 2021 Culture
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Dune (David Lynch, 1983)

Je ne connaissais pas du tout "Dune", ni le roman, ni le film de David LYNCH. Mais l'énorme battage médiatique autour de la nouvelle version de Denis VILLENEUVE sortie tout récemment et le fait que plusieurs membres de mon entourage l'ont vu m'a rendu nécessaire le fait d'avoir une idée de ce que c'était. Mais entre David LYNCH et Denis VILLENEUVE, j'ai vite fait mon choix. Parce que même si on lit partout que "c'est son oeuvre la moins personnelle", je connais et apprécie assez le cinéma de David LYNCH pour être capable d'affirmer que ce film porte sa signature et que cela donne un résultat assez fascinant.

Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites à propos du film: qu'il était "malade", "bancal", "kitsch" et "elliptique". Je peux comprendre que les puristes du roman n'y retrouvent pas forcément leurs petits. David LYNCH lui-même n'a pas eu la totale maîtrise de son film puisque le montage lui a échappé afin que la durée totale du film ne dépasse pas 2h (2H10 exactement) format standard de l'époque alors qu'il aurait voulu une version de 3h30. Mais il n'est pas le premier cinéaste à la tête d'un mastodonte qui voit ses ambitions charcutées par la production (même s'il faut saluer le côté visionnaire du producteur Dino DE LAURENTIIS qui lui a confié le projet et a ensuite continué à le soutenir pour "Blue Velvet") (1985). En son temps Erich von STROHEIM a subi les mêmes déboires, ça n'a pas empêché ses chefs d'oeuvre mutilés de passer à la postérité. Tel quel, malgré ses passages explicatifs destinés à remplacer les parties manquantes, le film se suit très bien. Le prologue, très pédagogique permet de cerner d'emblées des enjeux qui ressemblent à une transposition SF de la guerre du pétrole (déjà au coeur des convoitises en 1965 au temps du roman). L'exploitation d'une "épice" poison qui permet d'acquérir de super pouvoirs mais qui ne se trouve que dans une planète désertique faisant l'objet de rivalités entre puissances, la population locale étant spoliée et obligée de vivre souterrainement en attendant le futur "messie" qui les délivrera du joug de leurs oppresseurs, cela ressemble beaucoup à la géopolitique du Moyen-Orient d'hier... et d'aujourd'hui. Sur cette intrigue qui a conservé toute son actualité (la guerre des ressources faisant plus rage que jamais) se greffe un mysticisme new-age qui aurait pu prêter à sourire au premier degré mais sur lequel David LYNCH a lâché ses monstres. Si bien que les rêves éveillés (et prophétiques) de Paul (Kyle MacLACHLAN), les fulgurances traversant l'esprit des personnages dont on écoute la voix intérieure, leurs mantras mêlés à la très belle et planante musique du groupe Toto et de Brian Eno se mélangent à des cauchemars de corps difformes et mutants. J'ai vu furtivement passer des images très organiques qui m'ont renvoyé à "Eraserhead" (1976 , "Elephant Man" (1980) ou encore à "Twin Peaks" (1992). Impossible de ne pas ressentir un profond dégoût devant les Harkonnen, clan dégénéré dominé par un baron au visage suintant et pustuleux particulièrement répugnant et aussi libidineux que Jabba the Hutt (à qui il m'a fait penser). Sauf que l'objet de son désir se porte sur le seul beau mec du clan, une sorte d'Alex Delarge au sourire sadique interprété par un STING se dévoilant en très petite tenue (au départ il ne devait même rien porter du tout mais la censure ne l'a pas permis). Si le clan rival des Atréides est en revanche tout ce qu'il y a de propre sur lui (d'ailleurs le baron crache sa bave de crapaud sur dame Jessica d'où mon association avec Jabba), certains plans ramènent à cet aspect fondamentalement organique du cinéma de Lynch. Je pense en particulier au plan récurrent de la naissance d'Alia, la petite soeur de Paul pas très éloigné des plans de foetus d'agneau de "Eraserhead" (1976) (bon appétit!) Et puis il y a l'émissaire de la guilde intergalactique, ces navigateurs qui grâce à l'épice peuvent "replier l'espace" c'est à dire voyager sans se déplacer. Pur amas d'organes dans un aquarium, celui-ci possède une bouche baveuse filmée en gros plan qui ressemble à un vagin. Si l'on ajoute à cela des décors grandioses rétro-futuristes steampunk (ce qui est la meilleure façon ne bien vieillir) évoquant d'immenses cathédrales sacrées et profanes (les cathédrales industrielles du XIX° siècle) on obtient un résultat fascinant, réévalué par la suite et qui non seulement a gagné avec le temps son statut de film culte mais aussi a réintégré de plein droit son statut de film 100% lynchien.

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