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Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997)

Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997)

Publié le 13 avr. 2020 Mis à jour le 13 avr. 2020 Culture
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Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997)

"Jackie Brown" est considéré comme le mal-aimé de la filmographie de Tarantino. Rien n'est plus faux. Il existe des fans absolus de ce film, dont je fais partie. Ces fans là, ce sont des femmes mûrissantes qui n'aiment pas spécialement (voire pas du tout) l'univers de Tarantino mais qui sont profondément touchées par le portrait de femme d'une incroyable justesse qu'il nous donne à voir.

Si "Jackie Brown" sonne si juste, c'est parce qu'il s'appuie sur un substrat fort qui donne au film son authenticité. Le film est un hommage à la blaxploitation, un courant cinématographique américain des années soixante-dix qui mis sur le devant de la scène des acteurs et actrices d'origine afro-américaine, leur culture et leurs préoccupations (à mettre en relation avec les combats des années soixante pour les droits civiques et la révolution culturelle du "black is beautiful"). Ceux-ci étaient jusque-là cantonnés la plupart du temps à des rôles secondaires de faire-valoir dans l'industrie cinématographique WASP (white anglo-saxonne protestante) dominante.

Néanmoins ces films étaient fabriqués dans une logique communautariste (ils n'engageaient que des noirs et ne s'adressaient qu'à eux) et pour la plupart, ils relevaient de la série B ce qui au bout de quelques années épuisa le filon. Quant aux films déjà tournés, ils sombrèrent dans l'oubli. Pam Grier qui était l'une des icônes du genre eu alors beaucoup de difficultés à continuer sa carrière dans les années quatre-vingt où elle dû se contenter le plus souvent de simples apparitions.

Tarantino, fan de "Blaxploitation" a conçu "Jackie Brown" comme un hommage à Pam Grier. Et une revanche éclatante sur l'adversité. Pour lui donner le premier rôle, il a remanié le roman dont le film est adapté "Punch Créole" car l'héroïne était blanche à l'origine. Et afin de lui donner un alter ego masculin digne d'elle, il a choisi un autre acteur vétéran du cinéma bis, Robert Forster qui n'avait lui non plus, jamais accédé au vedettariat mainstream en dépit de son talent. Ce sont les moments entre eux qui font toute la force de "Jackie Brown". Ceux où ils parlent évidemment car les dialogues sont nourris par leur vécu (comment faire face au vieillissement, à la perte des illusions, comment repartir à zéro après une carrière brisée). Mais tout autant ceux où ils ne parlent pas. Car si "Jackie Brown" est si atypique dans la filmographie de Tarantino, c'est parce que les non dits, les silences l'emportent sur les bavardages. La scène où Max (Robert Forster) voit Jackie (Pam Grier) pour la première fois lorsqu'elle marche vers lui est une scène de reconnaissance où tout se joue dans le regard. La complicité est immédiate, une atmosphère intimiste magique s'installe entre eux qui imprègnera tout le film. Le rythme lent, cool, bercé de musique soul et de gros plans accentue cette sensation cosy dans laquelle le spectateur se sent bien, si bien qu'il peut y revenir, encore et encore. La comparaison, souvent faite, y compris par Tarantino avec "Rio Bravo" d'Howard Hawks est totalement justifiée. "Jackie Brown" est un film qui se donne un genre (dans lequel évoluent ironiquement les acteurs les plus connus comme Samuel L. Jackson et Robert De Niro, mis volontairement au second plan) mais où l'essentiel se joue à hauteur d'homme, au niveau des yeux et du coeur.

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