Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file, Sidney J. Furie, 1965)
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Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file, Sidney J. Furie, 1965)
My name is… Palmer, Harry Palmer. On me considère comme l'anti James Bond. Je suis myope comme une taupe, je préfère boire du café que du thé, je fais moi-même ma popote et mon boulot consiste à remplir des kilomètres de paperasse derrière mon bureau. Je ne quitte jamais Londres et sa grisaille. L'augmentation que j'ai obtenue me permettra tout juste de m'offrir un gril à infrarouge ^^.
Et pourtant les apparences sont trompeuses. Car c'est une bonne partie de l'équipe des premiers James Bond qui est derrière ce premier volet des aventures du sergent Harry Palmer. Un personnage bien plus complexe et passionnant que son allure austère de petit gris ne le laisse deviner. Il faut dire que c'est Michael CAINE qui l'incarne et qu'il est magistral. Son goût pour le café dessine les contours d'un personnage anticonformiste. Son insolence, son indiscipline (un comble pour un militaire, il est d'ailleurs passé par la case prison), son accent cockney et ses manières un peu rustres d'ancien voyou des faubourgs détonnent dans les cabinets feutrés de ses supérieurs distingués. Ses lunettes à monture épaisses soulignent une fragilité tout aussi inhabituelle dans le milieu des agents secrets. Une fragilité néanmoins compensée par une force mentale peu commune qui se révèle lorsque ses ennemis tentent de prendre le contrôle de son cerveau à l'aide du programme de conditionnement Ipcress. Une séquence qui n'est pas sans rappeler "Orange mécanique" (1971) de par son aspect psychédélique. La résistance de Harry Palmer est celle de quelqu'un qui par sa sensualité (il aime regarder les filles et… leur faire la cuisine ^^), son humour ironique pince-sans-rire tordant et la douleur physique qu'il s'inflige lorsqu'on veut l'hypnotiser parvient à rester humain dans un environnement qui cherche à le priver de son identité et de son libre-arbitre. D'ailleurs Harry Potter (dont le fantastique cache une dimension policière/espionnage) pourrait tout à fait être son descendant. Pas seulement parce qu'il a le même prénom, les mêmes initiales et la même myopie symbole de vulnérabilité mais parce qu'il est un outcast et que son caractère rebelle le rend capable de résister au sortilège imperium qui est le parfait équivalent du programme Ipcress.
Pour souligner le malaise, l'étrangeté, l'opacité et la dimension cauchemardesque qui se dissimulent derrière l'apparente banalité du travail des agents, le réalisateur Sidney J. FURIE multiplie les plans obliques et les contre-plongées. Il place souvent sa caméra derrière une vitre ou des objets qui dissimulent une partie du plan quand il n'adopte pas la vision floue de Harry Palmer privé de lunettes ou drogué. Il créé ainsi une ambiance oppressante de film noir en plein jour et rend hommage à Fritz LANG avec une scène reprise du "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) et à Alfred HITCHCOCK avec un plan derrière une paire de lunettes tombées à terre qui fait penser à celui de "L Inconnu du Nord-Express" (1951).
Au début des années 80, le groupe Madness a rendu hommage au film et à son acteur principal avec le titre "My name is Michael Caine", véritable hymne de résistance à l'oppression et au formatage identitaire. Et toute une lignée de films d'espionnage réalistes s'en sont inspirés comme "La Taupe" (2011).