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Wadjda (Haifaa-el-Mansour, 2012)

Wadjda (Haifaa-el-Mansour, 2012)

Publié le 2 avr. 2020 Mis à jour le 2 avr. 2020 Culture
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Wadjda (Haifaa-el-Mansour, 2012)

Les sociétés arabo-musulmanes sont les championnes de l'invisibilisation des femmes. Séparées des hommes, soustraites le plus possibles à leurs regards (et à leurs oreilles), "effacées" de l'espace public et de la généalogie, elles sont confinées dans leur foyer et étroitement contrôlées dans leurs activités et déplacements. Elles sont en effet implicitement accusées de détourner les hommes de Dieu (un Dieu tout sauf neutre quand on sait qu'au paradis 72 vierges attendent les "heureux élus"). Evidemment ce puritanisme patriarcal répressif est un cercle vicieux qui "valide" la vision diabolique de la femme puisque la frustration génère la concupiscence et l'agression sexuelle (une scène du film qui met en présence Wadjda et un ouvrier de chantier révèle que sous le carcan puritain, il y a un culture du viol qui nous est également très familière en occident). La pression sociale sur la réputation des femmes les rend dociles car c'est "cela" qui fait leur valeur. Cela et leur capacité à engendrer des enfants mâles dont ces sociétés puritaines et patriarcales ont besoin pour se perpétuer à l'identique.

Cependant, l'existence même du film, le premier réalisé officiellement en Arabie Saoudite qui plus est par une femme mettant en scène d'autres femmes et fillettes est un signe incontestable de changement et d'ouverture. Certes, l'absence de salles de cinéma dans le pays explique qu'il ait pu se faire mais le fait même de montrer à visage découvert devant un écran des saoudiennes (même si le casting ne fut pas des plus faciles) est un acte fort qui préfigure les droits qu'elles ont acquis depuis, notamment celui de conduire en 2018. C'est d'ailleurs autour de ce droit fondamental que tourne le film. La mère de Wadjda, tout comme sa fille apparaissent lorsqu'elles sont chez elles comme des femmes modernes, peu différentes de leurs homologues occidentales. Wadjda écoute du rock, porte des converses, met des élastiques de toutes les couleurs dans ses cheveux et fabrique et vend des bracelets. Sa mère, très jolie et coquette est également une femme active qui exerce le métier de professeur. Mais dès qu'elles passent la porte, c'est une autre affaire. Alors que Wadjda est en lutte ouverte contre sa directrice d'école qui a si bien intégré les règles qu'elle est devenue une véritable sentinelle de la morale religieuse, sa mère doit affronter un parcours du combattant pour rejoindre son travail étant donné qu'elle dépend des hommes pour se déplacer et elle doit également subir l'affront d'être répudiée par son mari à qui elle ne peut donner de fils au profit d'une autre femme.

C'est pourquoi la lutte pour l'émancipation passe par l'acquisition d'un simple vélo. Un vélo qui permet de se déplacer librement et d'être sur pied d'égalité avec Abdallah, le meilleur ami de Wadjda. L'amitié des deux enfants qui déjoue naturellement les règles pour passer du temps ensemble est en soi la plus belle transgression de l'ordre moral stupide qui règne par ailleurs. Et comme souvent, ce sont les enfants qui indiquent le chemin à suivre comme finira par le reconnaître la mère de Wadjda.

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