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La Chute (Der Untergang, Oliver Hirschbiegel, 2004)

La Chute (Der Untergang, Oliver Hirschbiegel, 2004)

Publié le 29 mars 2021 Mis à jour le 6 avr. 2021 Culture
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La Chute (Der Untergang, Oliver Hirschbiegel, 2004)

Bruno GANZ aura incarné au cinéma pour le meilleur et non pour le pire le meilleur et le pire de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête disait Blaise Pascal et dans "La Marquise d O..." (1976) de Éric ROHMER, Edith CLEVER lui disait (lui prédisait ?) qu’il ne lui aurait pas semblé être le diable si à sa première apparition, elle ne l’avait pris pour un ange. Bruno GANZ en véritable « étoile noire » a donc incarné les deux polarités extrêmes de l’être humain, sa part céleste d’une part et la bête immonde tapie en lui de l’autre avec une profondeur proprement sidérante. « La Chute », grand film crépusculaire sur l’agonie du III° Reich ressemble à un terrifiant cauchemar entre ruines fumantes et bunker lugubre. Il montre avec un réalisme saisissant de crudité ce que deviennent les hommes lorsqu’ils sont acculés dans leurs derniers retranchements et qu’ils ont la certitude que leur fin est proche. Entre recherche de l’oubli dans l’alcool et les orgies, règlements de comptes et petits calculs sordides, ce qui ressort le plus, c’est la terrifiante litanie des suicides dans une ambiance oppressante et claustrophobique. La culture de mort qui a fait des millions de victimes se referme sur les bourreaux eux-mêmes dont certains entraînent leur famille avec eux. Les plus fanatiques, Hitler et Goebbels en arrivent à souhaiter que le peuple allemand tout entier y passe pour se venger sur eux de leur défaite. Les autres, plus lucides regardent le Führer se décomposer avec consternation et désarroi. Bruno GANZ offre une interprétation hallucinée du personnage entre bouffées délirantes où il donne des ordres à une armée qui n’existe plus, accès de mégalomanie quand il élabore les plans de la future Germania avec Albert Speer, fureur contre ses généraux et son peuple qui lui servent d’ultime bouc-émissaire, larmes de rage et d’impuissance face à l’inéluctable défaite, tremblements incontrôlables dus à la maladie de parkinson. Mais en dépit de tous ces signes qui indiquent à quel point Hitler était diminué à la fin de sa vie, celui-ci continue à exercer sa tyrannie délétère faite de séduction et de terreur sur tout son entourage qu’il veut pousser à mourir avec lui. Le bunker devient alors un véritable tombeau où s’accumulent les cadavres pendant qu’à Berlin encerclé par les russes, les enfants des jeunesses hitlériennes fanatisés lui répondent en miroir en sacrifiant inutilement leur vie.
Ce n’est pas parce que Oliver HIRSCHBIEGEL a humanisé les bourreaux que le film est complaisant ou suscite l’empathie. C’est l’effroi qui domine devant des personnes pour qui la vie (la leur comme celle des autres) n’a aucune valeur et qui n’ont comme solution que la mort à offrir. Il s’interroge également sur la notion de responsabilité en choisissant de privilégier le point de vue de la secrétaire d’Hitler. Celle-ci est incarnée par une jeune actrice pour les faits relatifs à la fin de la guerre mais elle apparaît aussi en personne au début et à la fin du film en tant que témoin ayant effectué un travail de mémoire dans lequel elle reconnaît sa responsabilité dans les choix de vie qu’elle a fait. L’exemple de Sophie Scholl qui avait le même âge qu’elle lui a rappelé que la jeunesse n’était pas une excuse. De ce fait elle tend un miroir aux allemands, les incitant à en faire de même.

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