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Laura (Otto Preminger, 1944)

Laura (Otto Preminger, 1944)

Publié le 24 mai 2020 Mis à jour le 24 mai 2020 Culture
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Laura (Otto Preminger, 1944)

"Laura" n'est pas seulement un chef d'œuvre du film noir. Il emprunte certes au genre la plupart de ses codes, mais c'est pour mieux les transcender. Car "Laura" est surtout un film atmosphérique et psychologique qui s'interroge sur les relations hommes-femmes et la place de cette dernière dans la société (et dans le cinéma hollywoodien). "Laura" est en effet l'histoire d'une lente mais irréversible émancipation, celle de son héroïne éponyme campée par la sublime Gene TIERNEY dont c'est le plus beau rôle avec celui de Mme Muir dans le film de Joseph L. MANKIEWICZ. Sauf qu'au lieu d'être éprise d'un fantôme, ce sont les hommes qui sont épris du sien. De "Laura", nous n'avons en effet au départ droit qu'à des images fantasmées puisqu'elle est censée être morte. C'est au fond ce que souhaitent tous ses soi-disant admirateurs, hommes à la virilité douteuse qui l'ont figée sur un portrait ou modelée à la manière de Pygmalion et Galatée ou qui ne lui ont couru après que pour s'approprier sa réussite et sa fortune. Tous sauf un, l'inspecteur Mark McPherson (Dana ANDREWS). Certes, lui aussi est prisonnier de l'image (très négative) qu'il se fait des femmes. Selon un schéma misogyne très classique, il les voit toutes comme vénales et manipulatrices. Si bien que lorsqu'il est contaminé par la fascination qu'exerce Laura sur les suspects, il éprouve lui aussi jalousie et désir de possession mortifère. Sous couvert d'enquête, on le voit lire le journal intime et la correspondance privée de la défunte et passer de plus en plus de temps dans son appartement-mausolée. Il incarne ses rivaux jusqu'à la caricature puisqu'il éprouve des sentiments passionnels pour une femme qu'il n'a jamais rencontrée, preuve de la puissance d'évocation des représentations sur le psychisme. Si bien que lorsque Laura surgit dans la pièce alors qu'il est en train de dormir, on peut légitimement se demander si elle est réelle ou si elle ne sort pas directement de son imagination. Et lorsqu'il s'avère qu'elle est bien réelle -et donc distincte de lui-, McPherson est alors confronté au défi de l'acceptation de son irréductible altérité. Car Laura, en quête d'indépendance vis à vis des hommes qui l'entourent déteste qu'on lui donne des ordres. Elle se rebelle donc vis à vis de McPherson qui est tenté comme Waldo (Clifton WEBB) d'utiliser son pouvoir pour neutraliser ses rivaux. Une scène clé dans le film est celle de l'interrogatoire. Dans un premier temps McPherson éclaire violemment le visage de Laura ce qui est une variante non létale des agissements du meurtrier qui a défiguré sa victime, la privant de son identité propre (ce qui a permis la confusion sur laquelle est basé le film). Puis dans un second temps, il éteint la lampe, reconnaissant enfin son droit à conserver, même pour lui, sa part d'ombre et de mystère. Les objets ont une importance toute particulière dans le film, notamment pour Waldo qui en faisant des cadeaux à Laura marque ainsi ce qu'il estime être son territoire (il peut d'ailleurs s'introduire chez elle à son insu). La pendule revêt un sens tout particulier parce qu'il a la même chez lui et qu'elle dissimule l'arme du crime. Elle symbolise donc l'emprise qu'il a sur elle et finit donc logiquement brisée.

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