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A plein temps (Eric Gravel, 2022)

A plein temps (Eric Gravel, 2022)

Publié le 19 mars 2022 Mis à jour le 19 mars 2022 Culture
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A plein temps (Eric Gravel, 2022)

En transformant un quotidien banal en enfer quotidien et un drame social en thriller anxiogène tendu comme un arc, Eric GRAVEL fait ressortir de façon cruellement réaliste tout ce qui cloche dans notre société, particulièrement quand on est une femme qui élève seule ses enfants et qui essaye de leur assurer une certaine qualité de vie. Du matin au soir et du soir au matin, Julie court dans un stress permanent entre le village de la grande couronne parisienne où vivent ses enfants encore petits sous la pression d'une nounou qui rechigne de plus en plus à les garder tard le soir et son travail de première femme de chambre dans un palace à Paris sous la pression d'une supérieure qui guette ses faux pas. Le tout dans une solitude absolue (son ex-mari est aux abonnés absents, elle n'a pas de famille sur place, ses amis ne sont jamais disponibles), sous la menace d'un interdit bancaire (étant donné que la pension alimentaire n'arrive pas et qu'elle ne semble pas gagner assez pour rembourser le prêt de sa maison ou faire réparer sa voiture) et alors qu'une grève paralyse les transports en commun et les grands axes de communication. Le film est une démonstration exemplaire des causes de l'explosion des burn-out sous l'effet d'un stress insupportable lié à l'exigence de rentabilité, à l'atomisation des liens familiaux et sociaux, à la métropolisation (qui fait exploser les prix du foncier dans les centres tout en y maintenant les emplois, provoquant des migrations pendulaires profondément nuisibles) et à la montée de la conflictualité et de la violence. Bien que Julie soit montrée comme une working girl efficace et une battante qui utilise toutes les ressources possibles et imaginables pour arriver à concilier son boulot alimentaire, ses enfants et sa recherche d'un emploi qui corresponde mieux à ses compétences, elle n'est pas montrée comme une superwoman. Laure CALAMY que j'ai surtout vu jusqu'ici dans des rôles de nunuches porte le film sur ses épaules. La mise en scène faite de plans courts qui se succèdent et d'une musique électro qui fait monter la tension tient en haleine car on se demande à chaque nouvelle journée si son personnage pourra aller jusqu'au bout et jusqu'à quand tiendra-t-il à ce rythme. En même temps, le réalisme âpre des situations et l'aspect immersif du film* font que beaucoup de gens s'y reconnaîtront à commencer par ceux qui comme moi ont eu à subir des années de trajets quotidien en train sous épée de Damoclès, la pression d'assistantes maternelles peu compréhensives, même pour quelques minutes de retard et l'absence de toute aide familiale et sociale.

* Qui a reçu deux prix mérités dans la sélection parallèle Horizons du festival de Venise: celui du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice.

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