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After life (Wandafuru raifu, Hirokazu Kore-Eda, 1998)

After life (Wandafuru raifu, Hirokazu Kore-Eda, 1998)

Publié le 17 déc. 2021 Mis à jour le 17 déc. 2021 Culture
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After life (Wandafuru raifu, Hirokazu Kore-Eda, 1998)

Très beau film que ce deuxième long-métrage de Hirokazu Kore-Eda (après "Maborosi") qui m'a moins rappelé "Le Ciel peut attendre" de Ernst Lubitsch que "Le Testament d'Orphée" de Jean Cocteau. C'est sans doute une question de décorum et de sens poétique. Les deux films ont pour cadre un bâtiment vétuste dans un no man's land austère qui rappelle les écoles d'autrefois ou les bureaux administratifs. De plus les défunts en transit vers l'au-delà sont accueillis dans ces limbes par de drôles d'émissaires aux allures de fonctionnaires qui les soumettent à un interrogatoire. Celui-ci est le support d'une belle mise en abyme du travail de cinéaste qui consiste à capturer des instants de vie afin de les fixer pour l'éternité ou bien de les reconstituer. En effet les défunts doivent choisir dans leur passé leur plus beau souvenir ce qui s'apparente à un travail scénaristique. Celui-ci sera ensuite mis en scène sur un plateau de tournage et le film obtenu sera projeté en salle, permettant à son auteur de partir dans l'au-delà avec pour seul souvenir de sa vie terrestre, celui qu'il aura choisi. Ceux qui ont perdu la mémoire ou qui hésitent peuvent revoir des morceaux choisis de leur vie sur autant de cassettes vidéos que d'années vécues (alors que les souvenirs reconstitués sont eux filmés sur pellicule et mis en bobine) mais ils n'ont que trois jours pour se décider, sous peine de rester coincé dans les limbes et de devoir accueillir à leur tour les défunts. Le cycle doit en effet être terminé en une semaine afin de pouvoir recommencer le lundi suivant avec de nouveaux morts et le film est scandé par le rythme des journées qui s'égrènent du lundi au dimanche. 

Cependant le film de Hirokazu Kore-Eda est avant tout humaniste et cette réflexion sur la mort est aussi une réflexion sur la vie. On constate d'abord le primat des sens dans les souvenirs comme l'a si bien immortalisé Proust dans sa recherche du temps perdu: la vue (une couleur vive, la forme des nuages), le toucher (la sensation de la brise sur la peau), le goût (les boulettes de riz) ou encore l'ouïe (le bruit d'un tram, une chanson) sont déterminants. Ensuite le cheminement des défunts renvoie ceux qui n'ont pas réussi à partir à leurs propres interrogations sur la mort (c'est à dire en réalité sur le sens de leur propre vie), leur permettant éventuellement d'avancer dans la connaissance d'eux-mêmes et donc de franchir le pas. Mais tous les choix sont possibles et également respectables. Certains ont d'excellentes raisons de rester dans l'entre-deux des limbes. Par exemple Satoru (joué par Susumu Terajima, pilier des films de Takeshi Kitano) explique qu'il ne partira définitivement que lorsque sa fille sera adulte, afin de l'accompagner même s'il ne peut la rencontrer que le jour des morts. On remarque à ce propos la similitude des croyances sur les connexions entre vivants et morts dans nombre de sociétés traditionnelles puisque cet argument est à la base du film "Coco" de Lee Unkrich pour les studios Pixar qui s'appuie sur la culture mexicaine*. "After life" aboutit d'ailleurs au même résultat qui est d'apprivoiser (et de dédramatiser) la mort, de la rendre plus douce et de la considérer non comme en rupture mais comme en continuité avec la vie, le début d'une nouvelle aventure plutôt que la fin de tout.

* On peut également penser à la saga Harry Potter où les morts restent très présents sous différentes formes dans la vie des vivants et où il existe également un monde de limbes, celui des fantômes.

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