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Un jour sans fin (Groundhog day, Harold Ramis, 1993)

Un jour sans fin (Groundhog day, Harold Ramis, 1993)

Publié le 14 sept. 2020 Mis à jour le 14 sept. 2020 Culture
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Un jour sans fin (Groundhog day, Harold Ramis, 1993)

Il y a des films qui rencontrent un succès durable et mérité dès leur sortie, des films surestimés qui sombrent rapidement dans l'oubli et puis il y a des films qui passent dans un premier temps inaperçus avant peu à peu de conquérir la place qui leur revient au panthéon de l'histoire du cinéma. Un jour sans fin relève de cette dernière catégorie.

Dire qu'un jour sans fin est le film le plus spirituel du monde est sans doute le terme le plus juste pour le qualifier. En effet le mot spirituel a un double sens. Celui de l'humour étant donné que le film s'inscrit dans le registre de la comédie, une comédie à la drôlerie irrésistible. Et celui du conte métaphysique à l'image des nuages qui ouvrent et referment le film. Celui-ci s'inscrit en effet au carrefour de plusieurs philosophies et spiritualités: le bouddhisme et le samsara (cycle des renaissances de l'être non éveillé), le christianisme avec le thème central de la rédemption, la philosophie nietzschéenne avec le concept de l'éternel retour, le travail psychanalytique dont le film est en quelque sorte une illustration. Le film est avant tout une réflexion sur le temps. La boucle temporelle dans laquelle est enfermé Phil peut s'avérer être un fardeau ou un espace de liberté, une malédiction ou une bénédiction, un "verre à moitié vide ou à moitié plein" selon le point de vue dans lequel on se place. On passe ainsi progressivement du mythe de Sisyphe à celui de Superman. Le film est une démonstration du libre-arbitre que conserve l'être humain au sein de ce qui le dépasse.

Métaphorique, le film prend pour héros un présentateur météo dont l'âme est plongée dans un éternel hiver. Ce n'est pas par hasard s'il porte le même prénom que la marmotte de Punxsutawney dont le jour de célébration va devenir pour lui un jour sans fin. Imbu de sa personne, méprisant, cynique, Phil Connors (Bill Murray dans le rôle de sa vie) clame sur tous les tons qu'il est une super vedette et qu'il fait la pluie et le beau temps. En réalité c'est un misanthrope aigri, un minable, un raté qui de son propre aveu ne se supporte pas lui-même et passe ses frustrations sur ses collègues et tous les "ploucs" des bleds paumés couverts par la chaîne de télé régionale où il travaille. Bref un cas désespéré, irrécupérable. Pourtant lorsque Rita (Andie MacDowell) est engagée comme productrice, quelque chose se passe en lui, si enfoui sous son épaisse carapace qu'il faut plus de la moitié du film pour qu'il en prenne conscience. Il ne lui reste plus qu'à ramer encore et encore pour devenir un jour enfin digne d'elle. Un jour qui mettra fin à la malédiction. Celle-ci se révèle être au final une deuxième chance. A défaut de pouvoir changer le cours du temps, il peut se changer lui-même et changer son rapport au monde. Il a toute l'éternité pour ça (d'après les calculs de certains fans, l'épreuve de Phil a duré entre 34 et 40 ans). Incroyable paradoxe que ce temps cyclique, routinier que la métamorphose du héros empêche cependant de bégayer et le film de se répéter. "Je me suis suicidé tellement de fois que je n'existe plus." Mais je est un autre. Il y a comme un accouchement dans cette mue dans le même, dans cet éveil (à la connaissance, à l'amour, à l'altruisme, à l'art) dans le réveil au son de la rengaine I got you Babe de Sonny & Cher.

Enfin le film est aussi une mise en abyme du cinéma lui-même. Outre les manipulations de l'espace-temps, Phil, ce personnage que son épreuve rend omnipotent et omniscient est aussi un metteur en scène hors-pair qui tire les ficelles du petit monde dans lequel il est enfermé. La séquence du cambriolage ou de la cafétéria dans lesquelles il prédit ce qui va se passer à la seconde près sont de ce point de vue exemplaires.

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