La Cour (Hafsia Herzi, 2022)
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La Cour (Hafsia Herzi, 2022)
"La Cour" est un téléfilm de Hafsia Herzi, actrice passée depuis quelques années à la réalisation mais qui s'essaie pour la première fois à une fiction pour le petit écran, celui d'Arte. Je l'ai regardé car le sujet m'intéresse particulièrement. En effet quand je veux expliquer ce qu'est la géopolitique c'est à dire un conflit de pouvoir pour un territoire, je prends souvent pour exemple la cour d'une école primaire et la façon dont l'espace y est réparti. Des garçons en occupent la plus grande partie à jouer au foot avec des cages occupant le centre de l'espace. Les filles sont reléguées sur les côtés et doivent raser les murs pour atteindre l'autre côté de la cour ou bien la traverser à leurs risques et périls, un peu comme on traverserait une autoroute au milieu de bolides lancés à pleine vitesse*. Cette inégalité spatiale n'a longtemps même pas été questionnée, c'était la norme, entérinée par les adultes (responsables de l'agencement de la cour). Les garçons se devaient d'avoir plus d'espace que les filles parce qu'ils en auraient besoin pour se dépenser alors que les filles seraient calmes par nature. Ces préjugés sexistes sont encore renforcés par les quelques filles qui jouent au foot avec les garçons (ce sont des garçons manqués, forcément) et par la minorité de garçons qui n'aiment pas le foot (des "petites natures" évidemment). De nos jours, les choses ont bien peu évolué, "la journée sans ballon" équivalent à "la journée de la femme", un moyen de se donner bonne conscience sans remettre fondamentalement en cause l'aspect structurel des inégalités. "La Cour" raconte comment la remise en question de cet ordre par une petite fille n'ayant jusque là pas été scolarisée débouche sur la déstabilisation de l'ordre établi, la remise en cause des rôles de chacun et une guerre entre enfants sous les yeux d'adultes dépassés qui minimisent ou banalisent la situation. Si les personnages sont bien écrits et bien interprétés, il est dommage que le terrain de jeu devenu terrain d'affrontement soit abandonné en cours de route. Le film aurait été bien plus fort en conservant son unité de lieu d'un bout à l'autre du film d'autant que la fin est bien trop gentillette. C'est à ce moment-là qu'on regrette que Hafsia Herzi n'ait pas été plus ambitieuse.
* Yves Lacoste, géographe et géopolitologue écrivait en 1976 que la géographie, ça servait d'abord à faire la guerre. Le film entérine complètement cette vision des choses. La cour est vue comme une "carte du monde" qu'il faut conquérir ou défendre. Le langage guerrier est omniprésent tout au long du film alors que la réalisatrice souligne combien chacun souffre au final de la place à laquelle il est assigné.