La Flèche brisée (Broken Arrow, Delmer Daves, 1950)
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
La Flèche brisée (Broken Arrow, Delmer Daves, 1950)
J'aime beaucoup la sensibilité de Delmer Daves, particulièrement dans ses western. "La Flèche brisée" est sans doute celui qui est le plus connu. Pour au moins deux raisons. D'abord parce qu'il s'agit d'un plaidoyer humaniste, anti-raciste et pacifiste s'intéressant véritablement aux indiens et à leur culture (ce qui était le cas du réalisateur). Ce n'est pas le premier western montrant les indiens comme des hommes égaux aux colons européens et non comme des barbares, John Ford avait déjà ouvert la voie. Il n'en reste pas moins que "La Flèche brisée" a fait date dans ce domaine. D'autre part c'est aussi avec ce film et "Winchester 73", le premier des cinq magnifiques western qu'il a tournés avec Anthony Mann que James Stewart inaugure la seconde partie de sa carrière avec des compositions nettement plus sombres et torturées que celles qu'il proposait dans les comédies des années 30. Le contact rugueux du Far West fait surgir chez lui les éclairs de folie, les pulsions meurtrières (et sexuelles) sous la grande douceur qui le caractérise.
Bien que s'inscrivant dans les conventions hollywoodiennes (et ayant l'honnêteté de l'annoncer puisque la voix-off précise dès les premières secondes que les indiens parleront anglais -indiens qui par ailleurs sont joués par des blancs grimés-), le film, outre ses qualités esthétiques (voir la science du cadre de l'image par laquelle j'ai choisi de l'illustrer) tient en haleine de bout en bout et propose un discours remarquablement nuancé sur la question interraciale. Tiré de faits réels, il montre que les hommes de paix que sont Cochise et Tom Jeffords loin d'être des pleutres se retrouvent au contraire dans une position particulièrement délicate, dangereuse et inconfortable. Au sein de leur communauté, ils doivent affronter les sceptiques et surtout les extrémistes prêts à tout pour continuer la guerre jusqu'à l'anéantissement de l'ennemi (on entend d'ailleurs leurs propos typiques "avec nous ou contre nous", "un bon indien/blanc est un indien/blanc mort" etc.) En dehors, il leur faut gagner la confiance du camp opposé et trouver les bons interlocuteurs (le général Howard, antithèse du général Custer). Si l'autorité de Cochise est contestée (notamment par Geronimo dont la suite de l'histoire a montré hélas qu'il n'avait pas tort), Jeffords risque sa vie tant auprès des indiens qu'auprès de sa communauté d'origine. Et c'est comme nombre de héros chez Delmer Daves un homme seul (les premières images et les dernières ont dû inspirer celles de la BD de Lucky Luke remplie de références aux classiques du genre) qui ne parvient pas à trouver sa place dans la société. A "lonesome cowboy" désaffilié qui tombe amoureux d'une indienne mais leur amour est placé sous le signe de l'impossibilité. Aux USA, les couples mixtes sont particulièrement malmenés et encore aujourd'hui les statistiques ethniques catégorisent les individus selon leur "race" en niant les mélanges, résidus du passé raciste empreint de la phobie du métissage propre au pays.