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Rosenstrasse (Margarethe von Trotta, 2003)

Rosenstrasse (Margarethe von Trotta, 2003)

Publié le 25 févr. 2022 Mis à jour le 25 févr. 2022 Culture
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Rosenstrasse (Margarethe von Trotta, 2003)

Film historique peu connu en France évoquant un épisode de la guerre lui-même peu connu, "Rosenstrasse" ("La rue des roses" en français) est construit sur des va et vient entre passé et présent. Hannah, la fille de Ruth, une survivante de la Shoah installée à New-York veut comprendre pourquoi sa mère s'oppose à son mariage avec Luis, un latino-américain et pourquoi elle refuse de lui parler de son passé. Elle découvre par une relation familiale l'existence d'une femme, Lena Fischer, issue d'une famille d'aristocrates allemands qui jadis, sauva Ruth à Berlin lorsqu'elle était enfant en se battant au côté de centaines d'autres femmes aryennes pour faire libérer leurs maris juifs qui avaient été arrêtés par la Gestapo en 1943 et étaient parqués dans un immeuble de la Rosenstrasse dans l'attente de leur déportation.

Si le film est un peu inégal (la partie historique est bien plus intéressante que celle du présent, plutôt convenue et peu approfondie), il révèle une nouvelle facette de la résistance interne au troisième Reich tout en soulignant combien celui-ci n'était pas infaillible en dépit de sa brutalité. En effet pour pouvoir agir à l'extérieur en déployant toute son efficacité, le régime avait besoin d'une cohésion interne qu'il obtenait par la propagande, la terreur mais aussi l'adhésion à l'idéologie impliquant l'anéantissement des populations considérées comme exogènes à la communauté de sang allemand, à commencer par les juifs, bouc-émissaire (ou "ennemi imaginaire") absolu du régime. Or en 1943 le front extérieur se lézarde sérieusement avec la défaite de Stalingrad qui signe le début de la fin du troisième Reich. Et le front intérieur menace de rompre lui aussi. D'une part parce que le fossé entre la propagande de l'invincibilité et la réalité de la défaite doublée d'une boucherie fauchant toute la jeunesse allemande ne pouvait plus être totalement occultée. Et de l'autre parce que les lois de Nuremberg de 1935 qui avaient interdit les mariages entre juifs et aryens afin de souder la communauté allemande soi-disant "de race supérieure" contre le judéo-bolchévisme se heurtait à des décennies d'intégration et d'assimilation des juifs au reste de la société allemande se traduisant par de nombreux "mischehen" (mariages mixtes) et enfants "mischlinge" (métis), un tissu social qu'il n'était pas possible de défaire ou de détruire du jour au lendemain. Le film montre tout l'éventail de pressions menées par les autorités du III° Reich sur les conjoints aryens pour obtenir qu'ils divorcent: persécutions (les aryens devaient partager le sort de leur conjoint juif s'ils voulaient rester avec lui c'est à dire perdre leur travail et leurs biens, vivre dans les résidences réservées aux juifs etc.), insultes, intimidations, menaces etc. Le film montre également que les femmes résistèrent mieux que les hommes qui souvent, abandonnèrent leur conjointe juive et leurs enfants métis comme ce fut le cas du père de Ruth, les condamnant ainsi à la mort. En revanche l'exemple de la Rosenstrasse montre que les autorités nazies se sentirent obligées de reculer lorsqu'elle ne purent dissoudre ces liens qui menaçaient de révéler au grand jour leur entreprise d'extermination et provoquer des remous dans toute la société. Preuve qu'en dépit de l'extrême brutalité du régime, celui-ci avait peur de l'opinion, aussi muselée fut-elle, les femmes de la Rosenstrasse obtinrent satisfaction et 98% des juifs allemands qui survécurent à la guerre furent protégés par un conjoint aryen. C'est la preuve éclatante que même face au pire, il était encore possible d'agir et d'infléchir le destin. Margarethe von Trotta rend ainsi hommage au courage et à la détermination de ces femmes que la puissance de leurs liens affectifs transformèrent  en héroïnes alors qu'elle souligne parallèlement la lâcheté de nombreux hommes que ce soit le père de Ruth ou celui de Lena. Mais pas tous: le frère de Lena rescapé mutilé de Stalingrad (et donc "déradicalisé") est de son côté tandis qu'un père juif vient se jeter dans la gueule du loup pour aider sa fille, arrêtée avant lui tandis que sa femme aryenne reste de l'autre côté de la barrière.

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Adélice Bise
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