Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
Mon Oncle (Jacques Tati, 1958)

Mon Oncle (Jacques Tati, 1958)

Publié le 12 juin 2020 Mis à jour le 12 juin 2020 Culture
time 3 min
0
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 434 lectures
0
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Mon Oncle (Jacques Tati, 1958)

Pour comprendre en quoi Mon Oncle était un film visionnaire en 1958 il faut le resituer dans son contexte historique. La France sort alors de la reconstruction et entre de plein-pied dans la haute croissance qui est au coeur des 30 Glorieuses. Cette haute croissance est marquée par une transformation radicale du paysage urbain et l'adoption de l'american way of life où le matérialisme, l'utilitarisme, l'hygiénisme et l'individualisme règnent en maîtres. La publicité et les salons ménagers véhiculent un idéal de modernité où la maîtresse de maison explose de bonheur devant son dernier robot Moulinex pendant que le chef de famille astique sa voiture dernier cri. Mais dans ce nouveau monde aseptisé, normalisé, mécanisé et déshumanisé "on a pas besoin d'acrobates." Or le destin de Tati (et de son double de cinéma, Hulot) marqué par l'anti-conformisme a fait de lui l'un de ces acrobates qui ne peuvent se plier au système. S'il s'agit d'un handicap social certain, cette liberté de corps et d'esprit lui a permis d'observer et de retranscrire son époque avec clairvoyance. Il n'est d'ailleurs guère surprenant que son film ait déplu en France et qu'il se soit fait traiter de réactionnaire. Nul n'est prophète en son pays et il n'était pas de bon ton de critiquer une idéologie qui était alors au coeur des décisions politiques autant que la norme sociale.

Mon Oncle décrit deux mondes ou plutôt un monde en pleine mutation. Une image récurrente et magnifique résume ce basculement. Au premier plan, un mur écroulé symbolise l'ancien monde en train de disparaître, celui du village de St Maur avec ses calèches, ses pavés, ses becs de gaz, ses terrains vagues, son marché, son bistrot et sa baraque biscornue où vit Hulot tout au sommet dans un modeste 2 pièces. Un monde archaïque, sale et délabré mais convivial et pittoresque. Un monde poétique aussi où les valeurs de Hulot peuvent s'épanouir: rêverie, flânerie, détours, flottements, magie du quotidien (magnifique moment où un rai de lumière reflété par la vitre de Hulot fait chanter un oiseau). Au second plan les barres d'immeubles alignées symbolisent le monde en train de naître. Un monde uniformisé, froid, vide, géométrique, blanc, asphalté, mécanisé où l'automobile est reine et où les valeurs maîtresses sont la vitesse, la technologie et la rentabilité. Tati prophétise la déshumanisation des banlieues-dortoirs à travers l'architecture: "Ce qui me gêne, ce n'est pas qu'on construise des immeubles neufs, il en faut, mais des casernes. Je n''aime pas être mobilisé, je n'aime pas la mécanisation (...) Je ne crois pas que les lignes géométriques rendent les gens aimables." Il souligne aussi l'esclavage insidieux qu'instaure ce modèle de société. Le couple Arpel si fier de sa maison luxueuse ne se rend pas compte qu'elle ressemble à une prison dont les hublots-yeux-miradors scrutent les mouvements du dehors. Le "tout communique" de Mme Arpel ne renvoie pas à la convivialité mais à une société de la surveillance où le bruit des objets couvre les voix humaines. Quant aux Arpel eux-même ils sont en voie de robotisation comme le souligne le gros plan sonore du claquement des chaussures de Mme Arpel sur les dalles du jardin. Celle-ci apparaît comme la caricature de la desperate housewife hantée par la nécessité de nettoyer, servir et paraître. Car à l'agencement rigoureux de sa maison et de son jardin d'où aucun clou ne dépasse répond une stricte hiérarchisation de ses visiteurs. Selon leur statut social, elle déclenche ou ne déclenche pas le jet d'eau de la fontaine en forme de poisson qui règne au milieu du jardin. Voir Hulot involontairement désordonner cet agencement strict est de ce fait un plaisir jubilatoire qui fait souffler un vent de liberté et de fantaisie tout comme ses frasques à l'usine de M. Arpel où un tuyau en plastique se transforme en chapelet de saucisses. Mais la fin est sans équivoque: le temps passe, le monde évolue et le passé est irrémédiablement condamné. La suite 10 ans plus tard sera le quartier de tours et de barres vitrifiées de Playtime où la question centrale sera: comment y réinventer la vie?%MCEPASTEBIN%

lecture 434 lectures
thumb 0 commentaire
0
réaction

Commentaire (0)

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Culture
Marche ou crève
Marche ou crève

Hé non, ce n'est pas Stephen ici et rien avoir avec le King, juste une fan qui ad...

Gand Laetitia
2 min
Laëtitia GAND
Laëtitia GAND

 Auteure, critique littéraire, Laëtitia Gand est née le mercredi 9 mai  1979  ...

Gand Laetitia
3 min
Méditer
Méditer

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, vôtre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
Jurer
Jurer

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, vôtre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
Mr Plankton
Mr Plankton

Des larmes, de la vie, encore des larmes, encore de la vie...Ce film est bouleversant.De l'origine de la vie à...

Adélice Bise
1 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey