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L'Impératrice Yang Kwei-Fei (Yokihi, Kenji Mizoguchi, 1955)

L'Impératrice Yang Kwei-Fei (Yokihi, Kenji Mizoguchi, 1955)

Publié le 7 déc. 2019 Mis à jour le 7 déc. 2019 Culture
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L'Impératrice Yang Kwei-Fei (Yokihi, Kenji Mizoguchi, 1955)

Basé sur une légende chinoise, "L'Impératrice Yang Kwei-Fei" est le premier film en couleurs de Kenji Mizoguchi. Le résultat est d'un raffinement extrême. Comme dans son film précédent "Les Amants crucifiés", Kenji Mizoguchi oppose deux groupes de personnes: ceux qui n'aspirent qu'à la beauté, au bonheur et à l'amour le plus pur comme l'empereur et Yang Kwei-Fei et ceux qui ne pensent qu'à les exploiter et les manipuler pour leurs ambitions personnelles. L'empereur est montré comme un esthète et un romantique. Inconsolable après la mort de son épouse, il se réfugie dans la contemplation des beautés éphémères de la nature dont il cherche à traduire l'émotion en jouant du luth. Mais il est sans cesse interrompu par ses ministres qui cherchent à le ramener sur terre et au présent en lui rappelant ses devoirs et en lui présentant des femmes. Mais peine perdue. S'il finit par faire de Yang Kwei-Fei sa nouvelle épouse (ou concubine, on ne sait pas trop ce que recouvre le terme de "plus haute dame"), c'est parce qu'elle ressemble à la femme qu'il a perdue. Une veine morbido-érotique très hitchcockienne (j'avais déjà fait le rapprochement entre les deux cinéastes pour "Les Amants crucifiés"). Celle-ci, d'origine modeste, a été promue par un général aux dents longues (tellement longues d'ailleurs qu'il projette d'être calife à la place du calife) et a parfaitement conscience  de n'être qu'un jouet entre ses mains (un peu comme une Ruy Blas au féminin d'autant qu'elle va être obligée de se mêler de politique ce qui la perdra). Elle s'avère être l'âme sœur de l'empereur envers lequel elle éprouve une grande tendresse (les deux acteurs, Machiko Kiyo, une habituée des films de Kenji Mizoguchi et Masayuki Mori formaient déjà un couple dans "Rashomon" de Akira Kurosawa). Tous deux vont voler de beaux moments de liberté, notamment en partant se fondre dans la foule lors d'une sublime scène de fête populaire où lui joue du luth pendant qu'elle danse dans une harmonie totale. Mais bien entendu, ils vont être rattrapés par les agissements sordides de leurs entourages respectifs. Pendant que la famille de Yang Kwei-Fei se vautre dans le luxe, suscitant la colère du peuple, le général, furieux de ne pas avoir obtenu ce qu'il espérait fomente un complot destiné à renverser le régime. Finalement Yang Kwei-Fei décide de se sacrifier pour sauver l'empereur, faisant face avec beaucoup de dignité à son destin. Son exécution est un modèle de mise en scène épurée et pudique, jouant sur le hors-champ avec la caméra qui filme le sol jonché peu à peu des oripeaux de richesse dont elle se délivre avant que l'on voit le bas de sa robe s'élever lorsqu'elle se pend*. Mais comme dans "Les Amants crucifiés", l'amour s'avère plus fort que la mort, les âmes délivrées des deux amoureux communiant dans une insouciance rieuse qu'elles n'ont jamais pu connaître de leur vivant.

* Il y a un plan assez comparable dans "Les Amants crucifiés", épuré et pudique ou avec une simple barque arrimée au rivage, des traces de pas sur le sol menant à une hutte située sur la droite, Kenji Mizoguchi suggère le passage à l'acte de Mohei et de O'San, non celui qui était prévu au départ (la mort) mais celui qui est advenu par le biais d'une simple confession (la petite mort).

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