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Jeux Dangereux (To be or not to be, Ernst Lubitsch, 1942)

Jeux Dangereux (To be or not to be, Ernst Lubitsch, 1942)

Publié le 7 févr. 2021 Mis à jour le 7 févr. 2021 Culture
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Jeux Dangereux (To be or not to be, Ernst Lubitsch, 1942)

Ceux qui croient encore que la frontière entre tragédie et comédie est étanche devraient se jeter sans plus attendre (contrairement au ciel ^^) sur le chef-d'œuvre de Ernst LUBITSCH afin de prendre une bonne leçon de "politesse du désespoir" pour reprendre la définition de Chris MARKER. Car tout comme le "Le Dictateur" (1940) de Charles CHAPLIN, "To be or not to be" a été réalisé pendant la seconde guerre mondiale. Dans un film en forme de mise en abyme où le simulacre est roi (des acteurs interprètent des acteurs qui interprètent des nazis) la frontière entre "Hamlet" la tragédie et "Gestapo" la comédie qu'interprète alternativement la troupe (du moins avant la censure), réalité et représentation, mensonge et vérité s'efface. En résulte un brillant jeu de dupes et de massacre qui n'épargne ni les nazis, ni des acteurs qui "ont fait subir à Shakespeare ce que les nazis ont fait subir à la Pologne" ^^. Il est jubilatoire de voir les premiers se faire berner par les seconds mais en arrière-plan, tout aussi jubilatoire de voir les égos hypertrophiés des interprètes au talent plus ou moins discutable se dégonfler à l'épreuve du réel. Le personnage clé de ce point de vue est Joseph Tura (Jack BENNY). Il se rêve en Hamlet et se réveille en potentiel cornard, sa femme Maria (Carole LOMBARD) recevant en coulisses les faveurs de fringants jeunes militaires pendant qu'il déclame le célèbre monologue du héros de Shakespeare. La tragédie se mue alors en vaudeville d'autant plus tordant que Ernst LUBITSCH y va au bazooka avec les métaphores sexuelles guerrières ce que n'oublieront ni Stanley KUBRICK et son "Docteur Folamour" (1963) ni Steven SPIELBERG dans son "1941" (1979) où on s'envoie joyeusement en l'air dans un avion capable de lâcher "3 tonnes de bombes toutes les deux minutes" (voir également le film de Alain RESNAIS "Les Herbes Folles" (2008) pour un trip aérien toute braguette ouverte). Mazette, quel exploit! Heureusement Joseph a l'occasion d'échapper au rôle peu enviable du mari cocu pour celui du redoutable "camp de concentration Ehrhardt" dont un passage documentariste du film nous montre sans filtre comique l'étendue de la tyrannie. Mais Joseph Tura qui a montré ses limites en Hamlet est incapable d'incarner le rôle et se fait démasquer aussitôt par l'agent des nazis, Siletski (Stanley RIDGES). Un moment qui marque l'irruption d'un réel dramatique au milieu de ce théâtre bouffon maquillé en QG de la Gestapo. Et le fait que Siletski soit presque aussitôt tué par l'aviateur Sobinski (Robert STACK) incarnation de la puissance virile de la Résistance enfonce le clou. C'est donc seulement après avoir vécu cette épreuve que Joseph Tura parvient enfin à être convaincant dans un autre rôle que le sien, celui de Siletski dans le registre de la comédie d'espionnage puisqu'il réussit un numéro d'illusionnisme digne du gang des postiches ^^. Au tour des nazis d'être ridicules, le véritable Ehrhardt (Sig RUMAN) s'avérant très doué dans le registre.

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