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Quai d'Orsay (Bertrand Tavernier 2013)

Quai d'Orsay (Bertrand Tavernier 2013)

Publié le 27 janv. 2022 Mis à jour le 27 janv. 2022 Culture
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Quai d'Orsay (Bertrand Tavernier 2013)

 

Le beau parleur au tempérament volcanique, les satellites azimutés, l'homme de l'ombre flegmatique et le scribouillard énarque mais novice composent le tableau du personnel du ministère des Affaires Etrangères tel qu'il est brossé dans la première "vraie" comédie de Bertrand Tavernier. Une comédie certes mais qui répond à ses préoccupations de filmer les coulisses de l'histoire en marche, du côté de ceux qui la produisent. La nouveauté réside plus dans le ton que dans le thème. Tavernier a adapté la BD de Blain et Lanzac (alias Antonin Baudry, diplomate et ex-plume de Dominique de Villepin qui s'inspira de son expérience entre 2002 et 2004 au Quai d'Orsay et qui est représenté dans le film par le personnage qu'interprète Raphael Personnaz) et offre une version qui ne manque pas de piquant. De façon assez déconcertante en effet, le film se compose d'un aspect documentaire (il a été tourné dans les lieux même du pouvoir, en France comme à l'étranger et montre d'une façon méticuleuse les coins et recoins de la machine ministérielle, nous en faisant découvrir tous les rouages) tout en y greffant un aspect burlesque (les portes qui claquent et les feuilles qui s'envolent à chaque passage du ministre, les conseillers tous plus farfelus les uns que les autres). Son origine bédéique se retrouve également dans les pseudo-pays imaginaires évoqués tels que l' "Oubanga" ou le "Lousdémistan" qui n'ont rien à envier à la Syldavie et la Bordurie des albums Tintin. Néanmoins tout le monde comprend qu'il s'agit de la période durant laquelle les néoconservateurs américains dirigés par George W Bush décidèrent de faire une guerre préventive contre l'Irak à laquelle s'opposa la France lors du célèbre discours prononcé par Dominique de Villepin à l'ONU en 2003.

Disons-le tout de suite, la prestation de Niels Arestrup dans le rôle du directeur de cabinet Maupas m'a bluffée dans le film et je n'ai pas du tout été étonnée du prix du meilleur acteur dans un second rôle qu'il a reçu aux César. Quand il s'endort au milieu des séances de blablas, quand il fait appel à tout son self-control pour désamorcer une situation étrangère explosive alors qu'il est dérangé toutes les cinq minutes ou quand il doit faire preuve de diplomatie et d'autorité pour orienter les décisions dans le sens qu'il souhaite, il est impressionnant. On découvre ainsi le rôle clé de celui qui tient les rênes du ministère et agit pendant que le ministre fait le show à l'avant-scène. Autrement dit on assiste à une édifiante (et instructive) répartition des rôles. D'un côté le roi de l'éloquence et ses sous-fifres chargés de le conseiller ou de lui (ré)écrire (10 mille fois) ses discours qui se tirent dans les pattes ou lui servent de souffre-douleur (ou plutôt de boules anti-stress). De l'autre le manoeuvrier de l'ombre, celui qui agit dans les coulisses mais laisse à d'autres le soin de monter en première ligne. Car le personnage du ministre (joué par Thierry Lhermitte qui avait déjà été Louis XIV chez Véra Belmont) est une pile électrique qui use son entourage à force d'extravagances et d'exigences mais c'est lui qui s'expose et se prend les coups comme le montre la séquence africaine où il est chahuté par une manifestation anti-française en "Oubanga" alias la Côte d'Ivoire (séquence inspirée d'un épisode réel durant lequel Dominique de Villepin fut bloqué pendant une heure par des manifestants pro-Gbagbo à Abidjan).

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