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Caché (Michael Haneke, 2005)

Caché (Michael Haneke, 2005)

Publié le 26 mars 2022 Mis à jour le 26 mars 2022 Culture
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Caché (Michael Haneke, 2005)

"Caché" est un film passionnant de Michael HANEKE que je n'avais pas encore vu. Il est d'une profondeur vertigineuse tout en étant parfaitement accessible au plus grand nombre. Il s'agit en effet d'un thriller dans lequel le présentateur d'une émission littéraire qui fait penser à Bernard PIVOT cherche à découvrir l'identité de celui qui le harcèle. Mais l'enquête de Georges Laurent (Daniel AUTEUIL) pour résoudre l'énigme (premier sens du titre "Caché") n'est pas le vrai sujet du film, qui en "cache" un autre, celui du secret de famille des Laurent. Georges n'a pas la conscience tranquille, il a commis dans son enfance un acte profondément mauvais dont il n'a parlé ni à sa femme, ni à son fils mais qui revient le hanter sous la forme du harcèlement dont il se sent victime. Car au fur et à mesure que le puzzle se reconstitue à l'aide des indices mémoriels fournis par le harceleur (vidéos, dessins, cartes postales) et le réalisateur (flashbacks, récits), la frontière entre la victime et le bourreau se brouille puis s'inverse. Georges se positionne en effet comme "la victime de sa victime", le harcèlement n'étant que le reflet de son profond sentiment de culpabilité. Mais les faits enregistrés par les caméras (la film fonctionnant sur des mises en abyme -films dans le film- qui brouillent volontairement les pistes entre ce qui est filmé par le réalisateur et par le harceleur, comme s'ils ne faisaient qu'un) sont impitoyables pour Georges. Ils montrent un homme qui porte un masque, qui ment, qui se cache, qui fuit ou bien qui agresse. Alors qu'il se prétend harcelé par Majid (Maurice BÉNICHOU) et son fils, c'est lui qui au contraire les persécute et on constate d'ailleurs qu'il a le réflexe raciste bien chevillé au corps. Et puis il y a le gouffre social qui sépare Georges et Majid, gouffre qui aurait pu être comblé si Georges n'avait pas fait en sorte qu'il reste béant. Béant comme une blessure qui n'est pas seulement individuelle mais collective, les "événements" d'Algérie et en particulier ceux du 17 octobre 1961 ayant longtemps été cachés eux aussi. Mais les problèmes non résolus et informulés se transmettent aux générations suivantes et il est clair que la fin du film montre que Pierrot, le fils de Georges et le fils de Majid ont, eux, bien des choses à se dire*. Le spectateur ne peut les entendre, de même que Michael HANEKE laisse volontairement des trous dans le récit qui suggèrent que la femme de Georges (Juliette BINOCHE, parfaite de sobriété) et Pierrot ont eux aussi leurs petits secrets dans une famille gangrenée par le non-dit.

* L'entrée du collège de Pierrot où a été tournée la dernière scène qui donne une clé importante du film est en réalité celle du lycée Pierre-Gilles de Gennes (Paris 13) qui possède une architecture que je trouve personnellement assez oppressante, à l'image du film. Par ailleurs on notera le clin d'oeil significatif vis à vis de François Mitterrand, ministre de l'intérieur au moment du déclenchement de la guerre d'Algérie dont la fille longtemps cachée, Mazarine apparaît dans l'émission de Georges Laurent.

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