Au hasard Balthazar (Robert Bresson, 1966)
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Au hasard Balthazar (Robert Bresson, 1966)
"Au hasard Balthazar" est une fable décrivant la nature humaine du point de vue d'un âne qui au fil de son existence, passe de maître en maître. Son destin suit en parallèle celui de Marie (Anne WIAZEMSKY) qui le reçoit en cadeau alors qu'il n'est encore qu'un ânon et elle, une petite fille. Mais une fois l'innocence de l'enfance révolue, l'âne est séparée de sa maîtresse pour subir ce qui s'apparente à un véritable calvaire: tantôt bête de somme et tantôt animal de foire, il croise plusieurs fois le chemin de Marie lorsqu'il tombe sous la coupe de ses amants, particulièrement de Gérard le voyou qui s'acharne autant sur elle que sur lui. Comparé au vagabond de Charles CHAPLIN, Balthazar me fait tout autant penser à Buster KEATON de par son impassibilité, animal oblige qui fait d'autant mieux ressortir les vices de ses maîtres: l'alcoolisme d'Arnold le vagabond, l'avarice du marchand de grains ou encore l'orgueil du père de Marie pour qui avoir un âne dans les années 60, c'est démodé. C'est que Balthazar est également le témoin malgré lui d'une France en pleine mutation où les signes de modernité dans le monde paysan se multiplient, monde paysan qui est sur le point de disparaître. Enfin, impossible de passer à côté de la dimension christique du film. Déjà parce que l'âne est un animal biblique associé à la naissance du Christ et qu'il porte le nom de l'un des trois rois mages. Mais aussi parce que le martyre signifie en grec ancien "témoin" au sens de celui à qui on inflige de nombreux tourments ici par le seul fait d'être un être vivant asservi à l'homme. L'âne devient ainsi par son martyre le témoin de la cruauté de l'homme envers plus faible que lui et plus généralement de sa folie cupide et meurtrière envers le vivant. Robert BRESSON signe un film moraliste d'apparence passéiste mais en réalité visionnaire. La preuve avec la sortie prochaine de "Hi-Han" (2022), un remake signé par Jerzy SKOLIMOWSKI dans un monde en train de basculer du triomphe de la technologie, du capitalisme et du consumérisme au cauchemar du dérèglement climatique et de la sixième extinction de masse.