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Okja (Ok-ja, Bong Joon-ho, 2017)

Okja (Ok-ja, Bong Joon-ho, 2017)

Published Aug 24, 2020 Updated Aug 24, 2020 Culture
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Okja (Ok-ja, Bong Joon-ho, 2017)

"Okja" comme "Roma" ou "The Irishman" fait partie des films signés par de grands réalisateurs mais produits par Netflix et qui de ce fait a été accusé de participer à la mort du cinéma en salles. Mais la réalité est que Netflix permet à des films originaux de voir le jour et d'être vus, films qui n'auraient peut-être pas été financés et distribués dans les circuits traditionnels. De plus il faut bien admettre que le public des cinémas est vieillissant, la jeune génération préférant se tourner vers les plateformes de streaming. Le covid a accéléré le processus comme le montre la décision de Disney de sortir leur version live de "Mulan" directement sur Disney +. Ce n'est peut-être pas la mort du cinéma tel qu'on le connaissait mais la diversification de ses supports est il me semble quant à elle irréversible, notamment pour les films grand public. Et n'a pas que des aspects négatifs comme le montre la chute du nabab Harvey Weinstein.

Ce préalable posé, il serait temps de s'intéresser à "Okja" pour lui-même et non pour ce qu'il représente. C'est un film puissant, à mi chemin entre "Snowpiercer" et "The Host", deux des meilleurs crus de Bong Joon-ho. L'influence américaine sur la Corée du Sud est une nouvelle fois critiquée. Sauf qu'il ne s'agit plus de rejets toxiques dans les rivières mais de manipulations génétiques issues des laboratoires de la FTN Mirando, allusion transparente à Monsanto. La bébête obtenue n'est cette fois plus un monstre mais une victime de la cupidité de la mondialisation néolibérale (sous couvert d'hypocrites préoccupations sociales et environnementales). Seule Mija (Ahn Seo-Hyun), une adolescente vivant en symbiose avec la créature dans les montagnes depuis sa toute petite enfance ose se dresser contre cet ordre qui veut exploiter médiatiquement sa belle histoire pour embellir l'image de la firme (ça c'est le versant marketing incarné par Lucy Mirando) avant de transformer le cochon géant en chair à pâté (ça c'est le versant productiviste incarné par Nancy, la jumelle de Lucy, Tilda Swinton incarnant les deux rôles façon "bonnet blanc et blanc bonnet").

Mais le film n'est pas pour autant un face à face manichéen entre David et Goliath (clin d'oeil à Spielberg auquel on pense beaucoup, la relation viscérale entre Mija et Okja devant beaucoup à Elliott et E.T.) Car il y a un troisième protagoniste dans l'histoire, les activistes de la FLA (front de libération des animaux) qui comme dans la dystopie de Terry Gilliam "L'armée des 12 singes" sont assimilés à des terroristes alors qu'ils se veulent altermondialistes et non violents. Leur cause est noble puisqu'ils luttent pour informer le monde des mensonges de Mirando et de leur cruauté envers les animaux. Mais le problème est qu'ils utilisent les mêmes méthodes que leurs adversaires, le mensonge et la manipulation pour arriver à leurs fins. Ils bafouent ainsi le souhait de Mija de ramener Okja à la maison, préférant livrer cette dernière à ses bourreaux au nom de leur cause. Néanmoins des dissensions et des contradictions se font jour entre eux et en eux ce qui rend certains d'entre eux passionnants, tout particulièrement leur leader, Jay* (Paul Dano, remarquable une fois de plus) qui a quelque chose du prince Ashitaka face à Mija en princesse Mononoké. Car l'hommage à Hayao Miyazaki ne se réduit pas à la scène édénique dans laquelle Mija et Okja jouent à "Mon voisin Totoro" mais il est présent en filigrane dans tout le film.

Il y a cependant un personnage en trop, celui du très fatiguant docteur Johnny Wilcox, mi bateleur de foire façon "Hunger Games" mi tortionnaire néo-nazi (la fin du film est d'ailleurs une métaphore de la Shoah). Les deux aspects ne font pas bon ménage ou bien est-ce le jeu ultra cabotin (et uniforme) de Jake Gyllenhaal, toujours est-il que j'ai trouvé que les passages dans lesquels il intervenait étaient pénibles, passant à côté de l'effet burlesque cartoon recherché.

* Personnage toujours en contradiction avec lui-même, Jay possède une dimension chevaleresque alliant courage, abnégation et fidélité à de nobles principes qui par moments le font déraper du côté du dictateur gourou dogmatique. De même, la douceur exquise et sincère dont il fait preuve avec Mija qu'il veut protéger de la violence qui les entoure au péril de sa vie (la scène où le groupe est passé à tabac par la police-milice de Mirando est une brûlante actualité) est contredite par ses propres accès de sauvagerie, au point que c'est Mija qui doit arrêter son bras prêt à frapper Okja devenue folle à cause des mauvais traitements subis. C'est donc ironiquement cette innocente démunie (d'armes et d'idéologie) qui sans le vouloir le protège de lui-même en l'empêchant de basculer dans la négation de ce qu'il représente (le défenseur non-violent de la cause animale). Dans un même personnage cohabitent ainsi Bob Dylan, Alex de "Orange Mécanique" (la correction musclée d'un camarade "déviant") et Che Guevara.

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