Olli Mäki (Hymyilevä Mies, Juho Kuosmanen, 2016)
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Olli Mäki (Hymyilevä Mies, Juho Kuosmanen, 2016)
Ca donne quoi, un film de boxe non américano-centré? Et bien un film où la place de la boxe est décentrée justement. C'est le joli pas de côté qu'effectue pour son premier film le réalisateur finlandais Juho KUOSMANEN. C'est en effet avec beaucoup de tendresse pour son personnage (inspiré du véritable Olli Mäki, premier finlandais à avoir boxé en championnat du monde en 1962) et une bonne dose de distance salutaire vis à vis du sport-business et des valeurs qu'il véhicule qu'il nous raconte cette "anti success story". Ou plus exactement qu'il superpose deux récits. Celui véhiculé par les médias, les autorités et l'entraîneur qui instrumentalisent Olli Mäki, que ce soit pour vivre une gloire par procuration ou pour des objectifs nationalistes au travers du sport-spectacle. Et celui de Olli Mäki dont la personnalité va complètement à l'encontre de tout ce cirque et des enjeux qui l'accompagnent. Olli Mäki aime boxer et a les qualités athlétiques et techniques requises pour le haut niveau mais il lui manque l'adhésion au sport-business*. C'est au contraire un homme simple, rêveur, contemplatif et amoureux dont le désir véritable est qu'on le laisse vivre en paix. Sa résistance passive à toutes les pressions et sollicitations dont il fait l'objet s'accompagne pour reprendre le slogan d'ATTAC de la vision d'un autre monde possible: le sien, amoureux et poétique (car toutes les scènes où il se régénère seul dans la nature sont extrêmement belles). Lorsque sa voiture tombe en panne au début du film, sa réaction est éloquente. Au lieu de la faire réparer, il prend une bicyclette pour se déplacer avec la fille qu'il aime juchée dessus. Soit la trajectoire inverse de Gianni dans "Nous nous sommes tant aimés" (1974) qui largue bicyclette et fiancée pauvre pour se vendre à la bourgeoisie. Bref "Olli Mäki" sous ses allures de film modeste tient un discours politique très engagé qui fait tout son intérêt.
* Fabien Ollier, auteur de plusieurs livres sur l'aliénation sportive contemporaine et directeur de la publication militante "Quel Sport?" qui critique la domination idéologique du capitalisme sur l'institution sportive définit ainsi le sport-système: "système institutionnalisé de pratiques compétitives à dominante physique réglementées universellement, qui a pour finalité l’émergence du champion, du record, de l’exploit grâce à la mesure normalisée, à la comparaison permanente et à la confrontation mondialisée d’individus typifiés (femmes entre elles, hommes entre eux, non-valides entre eux, vieux entre eux, etc.), hiérarchisés (premier, deuxième, troisième, etc.) et conditionnés (« valeurs », « lois », méthodes, techniques). Ce système unifié qui n’est en rien réductible à la somme des pratiques sportives qu’il diffuse, repose sur une bureaucratie (des permanents, des technocrates, des gestionnaires, des managers, des « experts », etc.), des capitaux importants (fonds d’investissement, partenariats commerciaux, sponsors, caisses noires, etc.) et des techniques de propagande (spectacles, publicité, exhibitions, mythes, bavardages, commérages, etc.). Soit exactement ce que rejette Olli Mäki dont on ressent le malaise dès qu'il s'agit de faire des photos publicitaires ou le décalage avec le discours attendu dès qu'il participe à une conférence de presse et ce malgré les efforts de son entraîneur pour qu'il rentre dans la norme.