Gribiche (Jacques Feyder, 1925)
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Gribiche (Jacques Feyder, 1925)
"Gribiche" est un conte moral très touchant, merveilleusement interprété, mis en scène, éclairé et photographié (tous aspects particulièrement bien mis en valeur par la restauration de la cinémathèque). C'est le premier film que Jacques FEYDER a tourné pour les studios Albatros qui a employé tout ce que le cinéma français pouvait compter de jeunes talents dans les années vingt. C'est aussi le premier rôle important de Françoise ROSAY, l'épouse de Jacques FEYDER dans un rôle qui lui va comme un gant: celui de la dame patronnesse, bourgeoise américaine richissime qui se consacre à des oeuvres de charité mais découvre à ses dépends qu'elle ne peut acheter le bonheur d'autrui. En l'occurence celui de Gribiche, jeune garçon qu'elle a décidé d'adopter après qu'il lui ait rendu son sac à main qu'elle avait perdu dans un grand magasin. Celui-ci accepte pour soulager sa mère et se retrouve dans une luxueuse cage dorée meublée et décorée avec le plus grand soin (c'est un festival art déco) dans lequel chaque moment de sa vie est réglé comme du papier à musique. Jacques FEYDER utilise le comique de répétition pour montrer les excès hygiénistes de Mme Maranet et aussi comment celle-ci déforme de plus en plus le récit de sa rencontre avec Gribiche auprès de ses amis, celui-ci devenant larmoyant et misérabiliste. Or si Gribiche est issu d'un milieu populaire, sa mère ne vit pas dans la misère. Loin de la veuve de guerre éplorée de l'image d'Epinal, c'est une une bonne vivante qui aime rire, paresser au lit, aller au restaurant, à la fête foraine et au bal sans parler du fait qu'elle est amoureuse du contremaître. Des lieux bondés, grouillant de vie que les chefs opérateurs de Jacques FEYDER ont réussi à capturer sur le vif, y compris en extérieur nuit sans aucun éclairage artificiel ce qui pour l'époque était un tour de force. Par contraste, la grande maison de Mme Maranet avec ses immenses pièces et sa grande hauteur sous plafond apparaît terriblement vide et on y voit le pauvre gamin y dépérir d'ennui et par manque de chaleur humaine. Dans le rôle de Gribiche, Jean FOREST qui était alors âgé de 13 ans en était déjà à sa troisième collaboration avec Jacques FEYDER qui l'avait casté dans la rue trois ans auparavant. Malheureusement, cet enfant-acteur surdoué n'a pas réussi à percer véritablement une fois devenu adulte au temps du cinéma parlant.