Chaussure à son pied (Hobson's Choice, David Lean, 1954)
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Chaussure à son pied (Hobson's Choice, David Lean, 1954)
Je ne connaissais pas ce film mais lorsque j'ai vu à l'occasion de son passage sur Arte qu'il était réalisé par David LEAN, j'ai foncé et je ne l'ai pas regretté. Il s'agit du dernier film de la première période de sa carrière, britannique, intimiste, en noir et blanc, accordant une grande importance aux décors et aux ambiances et fortement imprégnée d'une conscience sociale et d'un désir de changement. Mais bien que se déroulant dans le même monde que ses adaptations de Charles Dickens, le ton de "Chaussure à son pied" est celui d'une comédie, genre qui contrairement au drame permet la subversion et David Lean ne s'en prive pas. Bien que ce ne soit pas son genre de prédilection, il en maîtrise le rythme et offre un spectacle mené tambour battant par un cordonnier veuf porté sur la bouteille qui tyrannise ses trois filles adultes qui tiennent sa maison et son commerce, sa misogynie rance s'exprimant sans retenue lorsqu'il est au pub. Ca pourrait être triste et mélodramatique, ça ne l'est pas du tout. D'une part Charles LAUGHTON ridiculise son personnage, ses excès alcoolisés le conduisant inéluctablement à la déchéance, symbolisée par une chute au fond d'un trou. De l'autre, sa fille aînée, Maggie (Brenda DE BANZIE) qui est une femme de tête douée en affaires est déterminée à s'émanciper de l'exploitation paternelle qui a fait d'elle une "vieille fille" sans pour autant retomber entre les griffes du patriarcat. Tout en aidant ses soeurs moins futées, elle a une idée de génie qu'elle va mettre en oeuvre avec une persévérance sans faille ce qui va bouleverser son existence ainsi que celle de l'ouvrier local, William Mossup (John MILLS), sorte de Oliver Twist adulte qu'elle va sortir de son aliénation sociale, symbolisée là encore par la place qu'il occupe à la cave. La métamorphose de ces deux personnages soumis de la société victorienne en forme de revanche et l'évolution de leur relation est filmée avec la même subtilité, la même sensibilité que les élans de "Brève rencontre" (1945), notamment les passages où William Mossup prend conscience qu'une autre existence est possible pour lui. Personnellement, j'ai pensé autant à "Smoking" (1992) (qui est le film du plus anglais des cinéastes français, Alain RESNAIS où la différence de classe joue un rôle déterminant) qu'à "Lady Chatterley" (2006).