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Chapitre 75

Chapitre 75

Published May 31, 2025 Updated May 31, 2025 New Romance
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Chapitre 75

Le temps s’est mis à couler autrement.


Ce n’est plus une ligne droite, ni une succession d’heures qu’on rattrape ou qu’on perd. C’est un fleuve au rythme lent, irrégulier, capricieux. Depuis la naissance d’Elina, chaque jour ressemble à un cocon suspendu. Juin s’est effacé dans cette douceur nouvelle, faite de chuchotements, de veilleuses allumées en pleine journée, de draps froissés, de biberons à l’aube. Il y avait, dans l’air de notre appartement, une forme de paix troublante, celle qu’on n’ose pas nommer de peur qu’elle s’envole.


Elle n’a pas encore trois mois, mais parfois j’ai l’impression qu’elle a toujours été là.


Avec Samuel, nous avons trouvé un équilibre que je n’aurais jamais cru possible. Lui, le félin silencieux, l’homme de contrôle, est devenu un père avec une aisance presque déconcertante. Il devine les besoins avant qu’ils n’émergent, prépare les biberons au gramme près, vérifie la température de l’eau avec une rigueur de laboratoire. Mais surtout, il est là. Dans chaque geste. Dans chaque nuit. Dans chaque matin fatigué. Il ne s’éclipse jamais. Il ne fuit pas. Et dans son regard, je lis tout ce que je ne savais même pas avoir attendu.


Moi, je réapprends. À habiter ce nouveau corps, à accepter les failles, à poser les mains sur mon ventre sans baisser les yeux. Je ne suis plus la même, et je ne cherche pas à l’être. Je suis mère, oui. Mais je suis encore femme. Et Samuel le sait. Il le voit. Il ne me l’a jamais dit avec des mots, mais je l’ai senti dans la façon qu’il a de me regarder lorsque je sors de la douche, dans le baiser qu’il pose parfois sur ma nuque alors que je suis en train d’allaiter, dans le silence lourd et brûlant de certains soirs où il se retient.


Nos soirs à deux sont rares. Volés entre deux pleurs, deux micro-sommeils, deux lavages de biberon. Mais quand ils arrivent, ils sont entiers. Lents. Suspendus.


Juillet est arrivé avec la chaleur.


Les rideaux tirés en journée, les serviettes humides sur les radiateurs, la citronnade maison dans des bocaux. Elina supporte mal la chaleur. Elle râle, pleure plus que d’habitude. Samuel prend le relais. Il la porte à bras nus contre lui, torse contre torse, et lui parle tout bas. Des choses qu’elle ne comprend pas. Mais qu’elle écoute. Il lui raconte des recettes, des proportions, des températures idéales. Il lui décrit le goût du beurre noisette et la texture idéale d’un crémeux. Parfois, je les observe à distance, sans qu’ils me voient. Et je pleure. Sans bruit. Parce que je sais que personne d’autre n’aurait pu être le père de ma fille.


Les Jeux Olympiques approchent. Et avec eux, les nuits courtes pour une autre raison. Samuel travaille. Il rentre tard. Il note tout. Il me montre ses carnets. Il me demande mon avis sur l’acidité d’une compotée ou le visuel d’un glaçage. Il goûte devant moi, les yeux fermés, comme pour valider l’émotion. Et parfois, il me demande : « Tu penses qu’elle comprendra ? »


Elle. Notre fille. Mais aussi… moi.


Il ne l’a jamais dit, mais je le sais. Cette création, c’est la nôtre. Même s’il la présentera seul. Même si son nom sera seul sur la feuille du jury. Il m’implique à chaque étape. Il veut que je sois là. Que je valide. Que je ressente.


La version finale, nous l’avons goûtée un soir de fin juillet.


Nous étions fatigués. Trempés de sueur. La vaisselle s’empilait. Elina dormait, enfin. Et Samuel, silencieux, a ouvert la boîte. Il a sorti l’entremets. Sa pièce maîtresse. Il l’a coupée. Il m’a tendu une cuillère.


Et nous avons goûté ensemble.


Ce n’était pas un dessert. C’était un souvenir. Une promesse. Une vie.


Nous nous sommes regardés. Et il n’y a rien eu à dire.


Août a été plus calme. Ou peut-être étions-nous devenus meilleurs pour gérer le chaos.


Elina sourit. Vraiment. Elle attrape nos doigts, reconnaît nos voix. Elle nous suit du regard. Elle nous lie.


Samuel a repris un peu plus de temps au laboratoire, mais il rentre toujours avant dix-neuf heures. Et chaque fois qu’il passe la porte, il me cherche des yeux avant même de poser ses affaires. Il m’embrasse comme s’il ne m’avait pas vue depuis une semaine. Il embrasse sa fille comme s’il n’y avait rien de plus sacré.


Nous avons retrouvé des gestes plus charnels aussi. Progressivement. Parfois dans le silence d’une nuit trop longue. Parfois au détour d’un éclat de rire. Mais toujours dans une douceur nouvelle. Je me sens encore fragile. Il le sait. Il ne brusque rien. Il attend. Il suggère. Il devine.


Et ce soir-là…


Samuel


Elle ne sait pas que je la regarde.


Elle croit que je suis dans la cuisine. Mais je suis là, adossé à la porte du salon, à l’observer. Elle range. Lentement. Elle déplie une couverture. Elle replace une peluche. Elle se baisse, ramasse un lange. Et elle se redresse, sans se douter qu’elle me coupe le souffle.


Paule. Mère de ma fille. Femme de mes tempêtes. Elle n’a rien de préparé. Rien d’apprêté. Elle est là, en short, débardeur, cheveux tirés à la va-vite. Et elle est belle. À m’en faire mal.


Mon corps la réclame depuis des semaines. Mon cœur, lui, n’a jamais cessé de la choisir.


Je m’avance. Lentement. Je ne fais pas de bruit. Mais elle le sent. Elle se retourne, les yeux fatigués, le sourire au coin.


— Tu viens ? murmure-t-elle.


Je ne réponds pas. Je m’approche. Mes mains sur ses hanches. Ma bouche dans son cou. Elle ferme les yeux. Je la respire. Elle tremble un peu.


— Samuel…


— Chut.


Je l’embrasse. Vraiment. Pas comme un homme fatigué. Comme un homme qui brûle.


Je la guide vers la chambre. Elle me suit. Sans un mot. Je la déshabille lentement. Je redécouvre son corps. Ses courbes. Ses traces. Les marques laissées par la vie, par notre fille, par le temps. Et je l’aime. Je l’aime comme je ne savais pas aimer.


Je l’allonge. Je l’adore. Chaque baiser est un remerciement. Chaque caresse, une confession.


Elle me regarde. Elle gémit. Elle s’offre.


Et je la prends.


Pas pour posséder. Pour honorer.


Nous faisons l’amour comme deux naufragés qui ont retrouvé leur île. C’est lent. Profond. Viscéral. Elle me serre. Elle me pleure. Elle me rit. Je me perds.


Et quand elle s’endort, épuisée, tremblante, apaisée… je reste là.


Je veille.


Je l’aime.


Je la choisis.


Encore.


Toujours.

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