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Chapitre 31

Chapitre 31

Published May 28, 2025 Updated May 28, 2025 New Romance
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Chapitre 31

Le trottoir est encore humide de la pluie tombée plus tôt. L’aube hésite à s’imposer, pâle et muette, comme si elle redoutait ce jour autant que moi. J’avance d’un pas trop lent, tendue, le cœur serré dans une cage de silence. À côté de moi, Samuel marche sans parler. Il a gardé ses mains dans les poches, le regard fixe, l’allure tendue d’un homme qui entre en guerre. Il n’a pas dit un mot depuis qu’il m’a attendue, là, en bas de chez moi. Il m’a simplement regardée, puis il a commencé à marcher. J’ai suivi.


Le laboratoire apparaît bientôt à l’angle de la rue. Ce lieu qui a été un terrain de feu, de travail acharné, de rires parfois, mais surtout de batailles, de celles qu’on ne voit pas sur les plannings. Aujourd’hui, il a des allures de tribunal.


J’ai beau tenter de me composer un visage neutre, mon ventre se noue à chaque pas. Je sais ce qui nous attend. Je le devine dans la tension des épaules de Samuel, dans sa mâchoire crispée, dans ce silence qu’il garde comme une armure.


À l’intérieur, les couloirs nous accueillent avec leur froideur coutumière. Le carrelage reflète les néons d’un blanc blafard. La brigade n’est pas encore là — du moins pas au complet. On perçoit des voix étouffées derrière une porte. Des bruits de machines. Rien d’hostile en apparence, mais l’air a changé.


Addison nous attend à l’entrée du couloir menant au bureau de direction. Ses bras sont croisés, son visage fermé. Elle ne dit rien. Elle nous regarde seulement, et je perçois dans son regard une forme d’inquiétude que je ne lui ai jamais vue.


— Ils sont là, dit-elle simplement.


Samuel ne ralentit pas. Il passe devant elle sans un mot, sans un regard. Je le suis de quelques pas. Il ne m’a pas attendue. Il avance comme on entre dans un incendie.





La pièce est sobre. Deux fauteuils nous font face, séparés par un bureau impeccable, froid, impersonnel. Derrière ce bureau, le directeur général de l’établissement, un homme au visage toujours lisse, toujours poli. À sa droite, une femme inconnue, costume strict, regard perçant. Elle ne sourit pas. Aucun d’eux ne se lève.


Samuel s’assoit sans attendre qu’on l’y invite. Je m’installe à ses côtés. Mon cœur bat trop vite. J’essaie de respirer calmement, mais l’air me manque.


— Merci d’être venus, commence l’homme. Sa voix est égale, presque douce. Trop.


— Nous allons entrer directement dans le vif du sujet, ajoute la femme. Vous savez pourquoi vous êtes ici. Des éléments ont été portés à notre connaissance concernant votre relation.


Pas de détour. Pas de faux-semblants.


Elle ouvre une chemise beige, fait glisser quelques documents vers nous. Je reconnais certaines images. D’autres non. Des extraits de mails. Des photos. Des annotations, à la main. Une traque minutieuse. Et immonde.


— Il est interdit, dans notre établissement, de laisser une relation personnelle interférer avec la chaîne hiérarchique. Or, dans votre cas, les éléments recueillis témoignent non seulement d’une proximité… mais aussi d’un manquement potentiel à cette neutralité.


Samuel ne bronche pas. Il regarde fixement la femme. Il ne cligne même pas des yeux.


— La question n’est pas de savoir si votre relation est réelle ou pas, reprend-elle. Ce qui compte, c’est que l’équilibre du laboratoire est fragilisé. Que la confiance de la brigade est mise à mal. Que l’image de notre établissement en pâtit.


Elle nous observe, l’un après l’autre.


— Pour ces raisons, la direction a décidé que vous ne pouviez plus travailler ensemble.


Un silence.


Je sens mon souffle se bloquer. Je l’avais anticipé. Mais l’entendre énoncé ainsi, froidement, comme une évidence… c’est une gifle.


Samuel se penche légèrement vers l’avant. Il ne hausse pas la voix. Mais sa présence, à cet instant, est si puissante qu’elle semble emplir toute la pièce.


— Vous savez ce qu’on a accompli ici ? demande-t-il calmement. Ce qu’on a fait, Paule et moi ? Vous avez regardé les chiffres, les résultats, la Toque d’Or ?


La femme ouvre la bouche, mais il poursuit :


— On a gagné ce concours parce qu’on travaille ensemble. Parce qu’on se comprend sans parler. Parce qu’on se pousse l’un l’autre à être meilleurs. Vous voulez casser ça ? Vraiment ?


Le directeur lève la main, calme.


— Monsieur Williams, personne ne remet en cause votre talent ni celui de Mademoiselle De Luca. Mais nous avons une image à défendre. Des règles. Et des responsabilités à faire respecter.


— Alors pourquoi attendre ? Pourquoi ce dossier maintenant ? demande Samuel, cinglant. Pourquoi ne pas nous avoir convoqués plus tôt ?


Un silence. Gêné. La femme prend le relais, moins à l’aise.


— Parce que d’autres éléments nous sont parvenus récemment. Et qu’ils ont été croisés, vérifiés. Et que, oui, l’origine de cette alerte est externe. Mais cela ne change rien à votre responsabilité.


Je sens le sol vaciller. Samuel tourne la tête vers moi. Son regard est noir. Une colère sèche, glaciale.


— Nous vous laissons le soin de choisir, reprend le directeur. Qui part. Qui reste. Mais cette cohabitation ne peut plus durer.


Il nous fixe.


— Prenez un jour. Pas plus.


Nous sommes sortis en silence. Le couloir nous a semblé plus long que d’ordinaire. Je ne sais pas ce que ressent Samuel. Il est fermé. Opaque. Son regard est dur. Il ne parle pas. Il ne m’a même pas regardée.


Je l’ai suivi jusqu’à la petite salle à l’écart, celle où on prend parfois nos pauses. Il n’y avait personne.


Il s’est assis. Je suis restée debout.


— Ils veulent qu’on se choisisse l’un contre l’autre, j’ai murmuré. Comme si notre travail, notre lien, ne valait rien.


Samuel a levé les yeux vers moi. Ses yeux étaient verts, striés de cette lumière dorée qui ne paraît que quand il est à bout. Quand il est sur le fil.


— Je ne laisserai personne décider à ma place.


Il a dit ça, et il a détourné le regard. Comme si ce qu’il ressentait était trop grand. Trop risqué. Trop dangereux.


Je m’approche lentement. Et je pose ma main sur la sienne.


Il tressaille à peine. Mais il ne la retire pas.


Et dans ce geste-là, minuscule, silencieux, je sens la seule chose qui compte encore : il est encore là.


Nous sommes encore là.


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