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Chapitre 26

Chapitre 26

Published May 28, 2025 Updated May 28, 2025 New Romance
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Chapitre 26

Samuel


Je suis là, dans l’ombre de mon appartement vide, le silence qui pèse comme une chape de plomb. Chaque battement de mon cœur résonne fort, violent, sans répit. Une rage sourde, indéfinissable, qui me déchire sans que je sache vraiment pourquoi. C’est comme si tout ce que je ressens restait coincé au fond de ma gorge, un cri muet que je n’arrive pas à faire sortir.


Je repense à son regard, dur, tranchant, décidé. Pas un tremblement, pas une hésitation. Elle a mis un terme, comme si j’étais un intrus qu’on chasse, un souvenir qu’on efface.


J’ai envie de hurler, de déchirer le silence autour de moi, mais je me retiens. Parce que je sais que ça ne ramènera rien. Que cette colère, aussi brûlante soit-elle, n’est qu’un masque pour ne pas sombrer dans un abîme plus profond — celui de la solitude totale.


Je ne sais même plus où elle habite, ni comment elle vit sans moi. Ce soir, je vais errer dans mes pensées, chercher des repères, essayer de deviner ses habitudes comme un animal blessé qui tente de retrouver sa tanière. Mais c’est moi, au fond, qui suis piégé.


Je suis un miroir éclaté, cassé en mille fragments, incapable de recoller ce qui s’est brisé.


Je serre les poings jusqu’à sentir mes jointures blanchir, mais ça ne fait qu’alimenter le feu qui couve. La nuit est longue, glaciale, sans promesse de répit. Et je sais que cette guerre sourde, ce combat sans mots, creusera encore le gouffre entre elle et moi.


Paule


Je suis assise, recroquevillée, au bord de la fenêtre de mon appartement. Les jambes serrées contre ma poitrine, le regard perdu dans le ciel étoilé qui s’étire au-dessus de la ville endormie.


Le silence m’enveloppe, mais ce n’est pas la paix. C’est ce poids lourd, cette solitude choisie, ce refuge fragile que je me construis.


Je repense à tout ce qu’il s’est passé, aux blessures invisibles, à la tension qui nous rongeait. À cette décision que j’ai prise : m’éloigner, me préserver, malgré ce vide que ça creuse en moi.


Depuis ce jour, on s’est croisés, bien sûr. On a continué de travailler ensemble au laboratoire, comme deux figures lointaines d’un même théâtre. Des échanges techniques, quelques regards qui effleurent, mais rien d’autre. Ce n’était plus lui. Ce n’était plus le Samuel de cette nuit-là, celui dont la main avait glissé contre ma nuque comme un aveu silencieux. Ce n’était plus moi non plus. Quelque chose en moi s’est figé ce jour-là, comme si j’avais refermé une porte que je ne pourrais plus rouvrir sans me trahir.


Je sens le froid de la nuit contre ma peau, mais c’est mon cœur qui est glacé. Pas d’espoir, pas de regrets. Juste une certitude douloureuse : je dois sortir de ce cercle infernal.


Je n’ai plus rien à attendre de lui, rien à espérer. Et pourtant, au creux de cette nuit silencieuse, une part de moi se demande si je ne perds pas aussi quelque chose d’essentiel.


Mais ce soir, je me tiens là, seule, face à l’immensité du ciel, à la recherche de ma propre lumière.


Deux solitudes. Deux murs invisibles mais infranchissables.


Et pourtant, derrière cette distance, sous cette colère et cette détermination, il reste un infime espoir qu’un jour, peut-être, on construira un pont. Pas maintenant. Pas comme ça.


Samuel


Je ne pouvais plus rester enfermé chez moi. L’air clos, les murs qui se resserrent, ce silence trop lourd — tout cela devenait insupportable. Alors, je suis sorti. Sans but précis, juste pour fuir cette prison invisible.


Je déambule dans les rues désertes, les mains enfouies dans les poches de mon manteau, le regard perdu dans les reflets des lampadaires sur le bitume mouillé. Chaque pas me rapproche sans que je sache vraiment de quoi. J’ai cette impulsion étrange, ce besoin viscéral de voir Paule, de briser ce silence glacial entre nous — mais sans savoir comment, ni pourquoi.


Je sais que je ne peux pas lui parler de ce que je ressens. Pas avec des mots. Pas avec des aveux. Alors je me contente de tourner autour, comme un fauve blessé autour de sa proie qu’il n’ose attraper.


Le froid mord mes joues, mais c’est la brûlure au fond de ma poitrine qui me consume. Je ne sais pas ce que je cherche, ni ce que je pourrai trouver.


Paule


Je n’arrive pas à fermer les yeux. Les étoiles dansent dans le ciel, mais dans ma tête, c’est le chaos. L’envie de tout oublier. L’envie de tout reconstruire.


Puis, je l’aperçois en bas, dans la rue, Samuel qui rentre dans l’immeuble sans un regard en arrière. Mon cœur se serre, mais je reste figée, immobile, recroquevillée sur moi-même.


Quelques instants plus tard, un bruit sec me tire de ma torpeur : deux coups frappés à ma porte. Deux coups précis. Puis… rien. Le silence revient, mais ces coups, ou plutôt ce silence qui suit, semblent s’étirer, s’éterniser, comme une insistance muette qui remplit l’espace autour de moi.


Je sens ce poids invisible, cette attente qui me serre la gorge, mais je reste là, immobile, figée dans ma détermination.


Je finis par ouvrir la porte. Samuel est là, sur le seuil, le regard lourd, marqué par la fatigue et cette douleur sourde qui le ronge.


Nos regards se croisent, lourds de tout ce qu’on n’a pas dit.


Je vois dans ses yeux la tempête, la colère, la détresse. Mais aussi cette part qu’il ne peut exprimer, cette part qu’il cache derrière une armure trop lourde.


Je ne dis rien. Il ne dit rien.


Juste un souffle. Un frisson.


Et le poids insoutenable de deux solitudes qui se touchent sans jamais vraiment se mêler.

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