Poetry (2009) Lee Chang-Dong
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Poetry (2009) Lee Chang-Dong
La caresse du vent peut-elle apaiser la brûlure du temps ?
Écrivain au début de sa carrière, Lee Chang-Dong se fait particulièrement remarquer avec ses premiers films, dont Peppermint candy, qui fut sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Puis Oasis était multi-récompensé à la Mostra de Venise, avant que le cinéaste ne réalise Secret Sunshine, pour lequel Jeon Do-yeon décrocha le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes. Trois ans plus tard, Lee Chang-Dong y obtenait le Prix du scénario pour Poetry, associé à de nombreux éloges critiques. Pour incarner le personnage principal de son film, il choisit une des actrices coréennes vedettes des années 1960, Yun Jung-hee.
Le début
Mija est une grand-mère de soixante-cinq ans qui perd un peu la mémoire. Si ce ne sont que des prémices pour l’instant, les médecins lui confirment qu’Alzheimer l’attend. Elle vit avec son petit-fils Wook dans une petite ville de Corée du Sud, la mère vivant à Pusan pour son travail. Elle voit un jour une annonce pour des cours de poésie et décide de s’y inscrire, assouvissant par là même un rêve d’enfant. Un jour, le père d’un ami de son fils vient la voir pour lui faire part d’un problème : une jeune fille de leur collège s’est en effet suicidé. Il s’avère qu’elle était depuis quelques semaines abusée par six garçons, dont le petit-fils de Mija. Les parents veulent étouffer l’affaire.
Analyse
C’est une question très pertinente et malheureusement difficile à résoudre que Lee Chang-Dong pose avec Poetry : comment faire, dans l‘époque actuelle, rongée par la crise et les tragédies quotidiennes, pour trouver un semblant de poésie ou de lumière ? L’ambition de Lee Chang-Dong est donc conséquente : plusieurs thèmes sont traités parallèlement, chacun d’égale importance. Le réalisateur met sur le même plan la violence de la société coréenne actuelle et la nécessité pour l’héroïne principale de trouver un refuge, dans la poésie en l’occurrence. C’est tout le mérite de Lee Chang-Dong que de ne pas influencer le spectateur : il déroule son histoire élégamment, entremêlant les faits et les personnages sans prendre parti pour les uns ou pour les autres.
Ce qu’on pourrait trouver comme futile, tels les cours de poésie de la grand-mère, qui décale un rendez-vous capital pour y assister, ou bien l'élégance quotidienne de ce personnage, on ce que l'on pourrait trouver odieux, comme les mesquines tractations des parents d’élèves, ne sont pour le réalisateur qu’une partie d’un tout, que nous analyserons chacun en notre âme et conscience. Les moindres détails de Poetry sont vibrants de naturels et de réalisme, mettant en avant les contradictions de la société moderne. Par exemple, le petit-fils adolescent est méprisant envers sa grand-mère, qui l’élève seule, la mère débordée ayant complètement abdiqué son autorité parentale.
Le groupe de parents d’élèves sont totalement convaincus de leur bon droit, confortés qu’ils sont par l’attitude des policiers, du directeur d’école ou du journaliste. La mère de la fillette, accablée par les évènements et par la dureté économique de son environnement, se voit obligée de ployer face aux forces de l’argent. Tous les éléments de Poetry sont impeccablement mis en place par Lee Chang-Dong, qui arrive même à insuffler dans cette terrible histoire des moments de poésie et de fraîcheur. Le film devient gracieux, encouragé par l’interprétation toute en douceur de Yoon Jung-Hee et par une mise en scène très délicate. Un prix du scénario bien mérité au Festival de Cannes, et une bonne surprise pour les spectateurs.